L’impact de la vitesse des véhicules sur les émissions et la santé

30 km/h dans la City of London (quartier central de Londres et centre financier mondial)

La généralisation du 30 km/h à Paris a lancé une polémique  parisienne qui va certainement déborder sur les pays voisins dont la Suisse : le 30 km/h engendrerait plus de pollution. TFL (Transport for London), l’autorité organisatrice des transports à Londres  a publié un rapport de 32 pages « Speed, émissions and health » qui résume les connaissances en la matière. Rue de l’Avenir vous propose de larges extraits, en traduction française.

Points clés de la recherche

  • Les avantages pour la santé du ralentissement de la circulation dans le cadre de l’approche « Rues saines » éclipseront tous les inconvénients. La plupart de ces avantages proviendront de l’augmentation des déplacements à pied et à vélo.
  • La congestion peut augmenter la pollution atmosphérique localement, mais c’est un phénomène complexe. Même lorsque les encombrements augmentent la pollution atmosphérique locale, les incidences sur la santé sont négligeables et dépassées par les avantages sanitaires d’une circulation apaisée.
  • Les zones 30km/h  n’aggravent pas la qualité de l’air et réduisent considérablement l’insécurité routière. Elles favorisent également le passage à la marche et à la bicyclette, génèrent moins de bruit et réduisent les coupures sociales.
  • Dans les zones 30, les véhicules se déplacent de manière plus fluide, avec moins d’accélérations et de décélérations. Ce style de conduite produit moins d’émissions de particules fines.
  • Les ralentisseurs notamment les rehaussements de la chaussée génèrent de petites augmentations locales des émissions, mais les effets sur la santé sont négligeables. Ils réduisent considérablement l’insécurité routière et soutiennent l’approche « Healthy Streets« .
  • L’impact sur la qualité de l’air des pistes cyclables protégées n’a pas encore été évalué, mais on ne s’attend pas à ce qu’elles augmentent la pollution atmosphérique.

1. Comment la circulation des véhicules et la congestion affectent-elles la qualité de l’air ?

Bien que, dans les conditions d’essai d’usine, les moteurs soient plus efficaces à environ 88 – 96 km/h , les recherches menées à Londres suggèrent que les zones 30 n’ont pas d’effet négatif net sur les émissions.

Le style de conduite est un déterminant de plus en plus important de la pollution à Londres. Une conduite plus feutrée, avec moins d’accélérations et de décélérations, génère moins d’émissions de particules dues à l’usure des pneus et des freins.

Les embouteillages peuvent accroître la pollution atmosphérique localement, mais leurs effets sont complexes et dépendent de plusieurs facteurs.

Comment la vitesse affecte-t-elle les émissions ?

Zone 30 d’Islington

La relation entre la vitesse et les émissions de gaz d’échappement dépend du polluant et du type de moteur1.

À Londres, la relation entre la vitesse du véhicule et les émissions varie en fonction de l’âge du véhicule (la norme Euro), du polluant et du carburant. Il est donc difficile de déterminer une vitesse moyenne optimale pour les déplacements, surtout si l’on tient compte du style de conduite.

Les véhicules roulant à des vitesses moyennes plus faibles n’émettent pas toujours plus de polluants, car les vitesses moyennes masquent les périodes rapides et lentes.

Les moteurs ont un rendement optimal lorsqu’ils roulent à une vitesse constante (« vitesse de croisière »), et non lorsqu’ils accélèrent ou décélèrent. Pour la plupart des voitures, cette vitesse se situe autour de 55-60 mph.

Il est important de distinguer la vitesse moyenne de la vitesse de croisière lorsque l’on considère le rendement du moteur. Une voiture qui roule à une vitesse moyenne de 55 mph mais qui accélère et décélère fréquemment n’aura pas un rendement optimal.

Par conséquent, les véhicules roulant à des vitesses moyennes inférieures n’émettent pas nécessairement plus de pollution, en particulier dans les villes où les vitesses de croisière sont rarement maintenues en raison de la configuration des routes. En fait, les véhicules qui dépassent la limite de vitesse ont tendance à augmenter la pollution atmosphérique par rapport aux véhicules qui respectent la limite de vitesse2.

Des recherches menées à Londres suggèrent que les zones 30 n’ont pas d’effet négatif net sur les émissions et améliorent le style de conduite.

Comment le style de conduite influe-t-il sur les émissions ?

Le style de conduite est un facteur essentiel pour évaluer l’impact de la congestion sur la pollution.

La conduite avec davantage d’accélérations, de décélérations, d’arrêts et de démarrages augmente les émissions de gaz d’échappement et l’usure des freins et des pneus, ce qui produit à son tour des émissions de particules2.

Le style de conduite est un déterminant de plus en plus important de la pollution à Londres.

Au fur et à mesure que le parc automobile est assaini, les émissions de NO2 diminuent.

Cependant, plus de 75 % des émissions de particules du transport routier proviennent de l’usure des pneus et des freins, et non des gaz d’échappement. Cela signifie que le style de conduite est un déterminant de plus en plus important de la qualité globale de l’air.

Des recherches menées à Londres suggèrent que les zones 20mph n’ont pas d’effet négatif net sur les émissions et améliorent le style de conduite (voir les diapositives suivantes).

Encourager la mobilité douce en réaffectant l’espace routier peut augmenter la capacité globale d’une rue, au profit des automobilistes et des passagers des bus 3.

Bien que les personnes qui se déplacent à pied ou à vélo comptent également dans le trafic, elles sont rarement prises en compte dans le suivi des encombrements.

La réaffectation de l’espace routier pour donner la priorité aux modes de transport les plus efficaces en termes d’espace (marche, vélo, bus) et réduire l’utilisation de la voiture particulière peut réduire les embouteillages et les émissions de véhicules dans toute la ville3, 5.

Il a été démontré que les nouvelles pistes des voies cyclables express est-ouest et nord-sud peuvent transporter près de 50 % des personnes utilisant la route tout en n’occupant que 30 % de l’espace routier6. Depuis leur ouverture, les corridors Est-Ouest et Nord-Sud transportent déjà 5 % de personnes de plus par heure qu’ils ne pourraient le faire sans pistes cyclables

La réduction de la vitesse des véhicules dans les zones urbaines favorise le passage à la marche et au vélo2. Les avantages pour la santé qui en résultent éclipsent les autres effets

Comment la congestion affecte-t-elle la qualité de l’air ?

Londres : cyclistes en direction de la City

Les embouteillages peuvent augmenter la pollution atmosphérique locale, mais leurs effets sont complexes et dépendent de plusieurs facteurs, notamment :

Le style de conduite :

Lorsque le trafic se déplace lentement mais régulièrement, l’impact sur la qualité de l’air sera plus faible que lorsque le trafic se déplace avec plus d’accélérations et de décélérations7.

Vitesse moyenne :

Les embouteillages réduisent la vitesse moyenne des trajets, ce qui peut prolonger la durée du voyage et augmenter l’exposition aux polluants par véhicule7.

Dispersion des polluants :

Elle dépend de plusieurs facteurs, dont les caractéristiques de la rue (par exemple sa largeur) et la vitesse du trafic. Les vitesses plus rapides ont tendance à générer plus de turbulences et à entraîner une plus grande dispersion7. les conditions météorologiques (temps) : la direction du vent, la température, l’humidité, les précipitations et la lumière du soleil affectent la dispersion des polluants dérivés des véhicules8.

Le changement de mode de transport :

Les impacts de la congestion sur la qualité de l’air à l’échelle du réseau peuvent être neutres si la congestion a été causée par la réaffectation de l’espace routier afin de promouvoir les déplacements actifs et/ou de réduire la part du mode automobile7.

Types de transport motorisé typiques à Londres

2. Comment la circulation des véhicules affecte-t-elle la santé ?

  • Les avantages pour la santé d’un ralentissement de la circulation dans le cadre de l’approche « Rues saines » éclipseront les inconvénients.
    tout inconvénient.
  • La plupart des avantages pour la santé proviendront de l’augmentation de l’activité physique des Londoniens, grâce à l’augmentation des déplacements à pied et à vélo. 
  • Le ralentissement de la circulation permet également de réduire l’insécurité routière, d’améliorer le bruit et de réduire les nuisances.
  • Le ralentissement de la circulation n’entraîne pas nécessairement une augmentation de la pollution atmosphérique.

Londres : axe cycliste dans le borough ou district de Southwark (290’000 hab – 29 km2) au sud de la Tamise a mis presque toutes ses rues à 30 km/h,

Vitesse des véhicules : impacts locaux sur la santé

Activité physique :

La diminution de la vitesse des véhicules dans les zones urbaines favorise le passage à la marche et au vélo2. Les avantages pour la santé qui en résultent éclipsent les autres effets des transports sur la santé.
Lorsque des adultes adoptent le vélo pour leurs déplacements réguliers, les avantages pour la santé en termes monétaires dépassent les inconvénients dans un rapport de 65:1. Cela est dû aux avantages de l’activité physique et à l’amélioration de la qualité de l’air résultant de la réduction de l’utilisation de la voiture10.
Une personne devrait marcher pendant 16 heures ou faire du vélo pendant 7 heures à Londres pour que les inconvénients de la pollution atmosphérique l’emportent sur les avantages de l’activité physique.

Bruit :

Les véhicules se déplaçant plus rapidement génèrent davantage de bruit provenant des pneus. Le bruit excessif de la circulation est lié à la perturbation du sommeil et aux maladies cardiaques12.
Les véhicules qui se déplacent plus lentement ont tendance à réduire le bruit de la circulation. Des recherches menées en Suède (et en Suisse) ont montré que lorsque la vitesse des voitures passait de 50 km/h à 30 km/h, leur bruit diminuait de 2 à 4 dB.

Qualité de l’air :

Même si la pollution locale est légèrement augmentée par la congestion, les effets sur la santé sont susceptibles d’être négligeables et seront compensés par les avantages pour la santé découlant de la réduction de la vitesse des véhicules.

Insécurité routière :

Des vitesses plus faibles réduisent le nombre et la gravité des blessures sur la route2. L’introduction de zones limitées 30 à Londres a permis de réduire d’environ 40 % le nombre de victimes et de collisions, et de diminuer particulièrement les blessures chez les enfants.

Coupure sociale :

Il s’agit de lieux géographiquement proches qui ne sont pas facilement accessibles en raison de routes larges et fréquentées ou d’autres obstacles physiques. Cela entraîne une baisse de l’activité physique et des contacts sociaux, ce qui peut provoquer des problèmes de santé physique et mentale12.
Les routes occasionnent moins de coupures lorsque la circulation est plus lente. Cela augmente les liens sociaux et la mobilité douce.

Londres: 1er borough (district) entièrement à 30 km/h  sauf deux axes transports publics (red routes) à 50 km/h. Islington compte 195’000 hab sur 15 km2 avec une densité de 13’000 hab/km2

4. Quel est l’impact des projets spécifiques sur la qualité de l’air et la santé ?

Résumé

  • La recherche suggère que les zones 30 n’augmentent pas la pollution de l’air. Les zones 20mph réduisent considérablement les dangers de la route, peuvent favoriser le passage à la marche et au vélo et réduire le bruit et les coupures sociales.
  • Les dos d’âne génèrent de petites augmentations locales des émissions, mais les impacts sur la santé sont probablement négligeables. Ils réduisent considérablement le danger routier et soutiennent l’approche des rues saines.
  • Les pistes cyclables protégées n’ont pas tendance à allonger la durée des trajets et ne devraient pas augmenter la pollution atmosphérique.

Proportion du temps passé dans chaque mode de fonctionnement dans les zones 30 ou à 50 km/h de « à l’arrêt – idle » à « en mouvement – cruise ». Il y a moins d’accélération ou décélération (source de pollution) à 30 km/h

Argument contre les zones 30 :

Les zones 30 aggravent la qualité de l’air localement car les véhicules plus lents émettent plus de pollution.

Résumé des preuves :

L’évaluation des zones 30 par l’Université impériale de Londres a suggéré qu’elles n’avaient pas d’impact négatif net sur les émissions de gaz d’échappement et qu’elles présentaient des avantages évidents en termes de style de conduite et d’émissions de particules associées15.

Zones 30

Les restrictions de vitesse sont un moyen important d’augmenter l’activité physique, car les véhicules se déplaçant rapidement dans les zones résidentielles découragent les gens de marcher et de faire du vélo, augmentent le risque de blessure et accroissent la pollution atmosphérique2.
Une évaluation des zones 30 à Londres a suggéré que le ralentissement de la circulation n’avait pas d’impact négatif net sur les émissions de gaz d’échappement et améliorait le style de conduite (qui lui-même réduit les émissions)15.

Les principales conclusions sont sont les suivantes :

► Les émissions modélisées de gaz d’échappement basées sur les mesures de vitesse suggéraient que les zones 30 avaient un impact mitigé sur les émissions en fonction du polluant et du type de voiture (voir tableau). Dans l’ensemble, il n’y a pas eu d’impact négatif net sur les émissions de gaz d’échappement.
► Dans les zones30, les véhicules se déplacent de manière plus régulière, avec moins d’accélérations et de décélérations, que dans les zones 30mph. Ce style de conduite plus souple réduit les émissions de particules fines dues à l’usure des pneus et des freins.

Émissions des voitures à essence et diesel dans les zones 30 par rapport aux 50 km/h. Il n’y une augmentation (en rouge) que pour le NOx et CO2 des véhicules à essence.

Activité physique :

La réduction de la vitesse des véhicules dans les zones urbaines favorise le passage à la marche et au vélo2. Les avantages pour la santé qui en résultent éclipsent les autres effets des transports sur la santé.
Une évaluation des zones 20mph à Édimbourg a révélé que la proportion d’enfants de l’école primaire :
► aller à l’école à pied est passée de 58% à 74% ;
► aller à l’école à vélo est passée de 3 % à 22 % ;
►  aller à l’école en voiture a diminué de 21% à 13%16.

Insécurité routière :

Les zones 30 réduisent les collisions et les blessures, diminuent la vitesse et le volume de circulation et rendent les rues plus sûres17.
L’introduction de zones limitées à 30 km/h à Londres a permis de réduire d’environ 40 % le nombre de victimes et de collisions, et de diminuer particulièrement les blessures chez les enfants14.
Une étude menée à Édimbourg a révélé que les zones 20mph donnaient aux gens le sentiment d’être plus en sécurité, un plus grand nombre de personnes déclarant se sentir en sécurité pour faire du vélo ou marcher16.

Bruit routier :

Les véhicules qui se déplacent plus lentement ont tendance à être plus silencieux. Des recherches menées en Suède (et en Suisse) ont montré que lorsque la vitesse des voitures passait de 50 km/h à 30 km/h, leur bruit diminuait de 2 à 4 dB13.
Le bruit excessif de la circulation est lié à la perturbation du sommeil et aux maladies cardiaques12.

Coupure sociale :

Les zones 30 réduisent la la coupure sociale endiminuant la domination de la circulation automobile.
La séparation rend les gens moins susceptibles d’être physiquement actifs et nuit à la cohésion sociale et aux contacts sociaux, ce qui augmente le risque de problèmes de santé physique et mentale12

Londres : Indicateur pour la voie express cycliste (Cycle Superhighway) No 7 en direction de la City of London (quartier central de Londres)

Bases de la recherche de TFL

  1. Moody & Tate (2017) In Service CO2 and NOX Emissions of Euro 6/VI Cars, Light- and Heavy- duty goods Vehicles in Real London driving: Taking the Road into the Laboratory
  2. NICE Guidance on Air pollution: outdoor air quality and health (2017)
  3. ITP (2017) Understanding and Managing Congestion
  4. TfL (2017) Cycle superhighways: current cycling levels and traffic impacts – internal briefing
  5. Policy Exchange (2017) Driving Down Emissions: How to clean up road transport?
  6. TfL (2016) Update on Implementation of the Quietway and Superhighway Programmes
  7. Zhang, K., & Batterman, S. (2013). Air pollution and health risks due to vehicle traffic. The Science of the Total Environment, 0, 307–316
  8. DEFRA (2017) Air quality: A Briefing for Directors of Public Health
  9. GLA (2018) Mayor’s Transport Strategy / action plans to support the strategy
  10. DeHartog,J.J.,Boogaard,H.,Nijland,H.,&Hoek,G.(2010).DotheHealthBenefitsofCyclingOutweightheRisks?EnvironmentalHealthPerspectives,118(8),1109–1116
  11. Tainio,M.,deNazelle,A.J.,Götschi,T.,Kahlmeier,S.,Rojas-Rueda,D.,Nieuwenhuijsen,M.J.,Woodcock,J.(2016).Can air pollution negate the health benefits of cycling and walking? Preventive Medicine, 87, 233–236
  12. TfL(2014)TransportandHealthActionPlan
  13. Desarnaulds (2004 )Noise Reduction by Urban Traffic Management
  14. Grundy (2009) Effect of 20mph traffic speed zones on road injuries in London, 1986-2006 : controlled interrupted time series analysis.BMJ 2009; 339: b4469
  15. Imperial College London (2013) An evaluation of the estimated impacts on vehicle emissions of a 20 mph speed restriction in central London
  16. City o fEdinburgh Council (2013) Before  and After Research into the implementation of 20mph speed limits in South Edinburgh
  17. Cairns et al (2015) Go slow: an umbrella review of the effects of 20mph zones and limits on health and health inequalities. Journal of Public Health 37:3; 515–520
  18. Traffic Choices (2014) Speed humps
  19. Kauretal (2007) Fine particulate matter and carbon monoxide exposure concentrations in urban street transport micro environments. Atmospheric Environment 41 (23): 4781-481

Source : TFL (Transport for London) « TFL speed-emissions-and-health » 2018

Photos de Rue de l’Avenir

Pour aller plus loin