Non, le passage à 30 km/h en ville n’augmente pas la pollution

Extrait du blog « Bon pote » du 29 août 2021

Des résultats contrastés du passage à 30 km/h sur la pollution

La littérature nous dit qu’il n’y a pas de réponse simple sur le sujet du passage de 50 à 30 km/h, comme le montre une méta-analyse de ADEME sur les “Impacts des limitations de vitesse sur la qualité de l’air, le climat, l’énergie et le bruit”. Ainsi, certaines études concluent à une hausse des émissions des véhicules, d’autres à une baisse.

On pouvait s’attendre à ce type de conclusion, même en raisonnant sur les vitesses moyennes et les courbes du Cerema. En effet, le passage à 30 km/h a un double effet de limitation des vitesses mais aussi d’élimination de phases d’accélération-décélération inutiles qui peuvent permettre de fluidifier le trafic. Ainsi réduire la vitesse maximale autorisée n’entraîne pas nécessairement une diminution de la vitesse moyenne de circulation.

Ces premiers résultats sur l’évolution des émissions ne concernent que l’impact direct sur les émissions en sortie d’échappement des voitures, c’est-à-dire sur l’efficacité énergétique des véhicules. C’est ce que font la majorité des études sur l’impact des variations de vitesse, et notamment celles présentes dans la revue de littérature de l’ADEME sur le passage à 30 km/h.

Sauf que parmi les 5 leviers de la transition énergétique des transports, diminuer la vitesse des voitures a également deux effets indirects positifs : sur la modération de la demande et sur le report modal.

Les 5 leviers de la transition énergétique des transports (Bigo, 2020)

L’impact indirect le plus intéressant dans le cas du passage à 30 km/h est le report modal qu’il permet : baisser la vitesse des véhicules motorisés en ville est en effet un incontournable pour engager un rééquilibrage des mobilités et favoriser notamment la marche et le vélo.

Réduire la vitesse favorise la marche et le vélo

L’impact des baisses de vitesse sur le report modal peut être au moins de deux natures.

En rendant la voiture moins attractive avec une vitesse maximale plus faible, cela encourage à utiliser les autres moyens de déplacement.

Mais surtout, dans le cas du 30 km/h, c’est le rôle de sécurisation des mobilités actives (marche, vélo, etc.) qui permet de favoriser le report modal, et ainsi diminuer les volumes de trafic automobile et les émissions associées.

Cet effet a pu être mesuré dans plusieurs villes ayant passé leurs rues à 30 km/h. Par exemple à Grenoble, toujours selon le Cerema, le trafic de véhicules légers a diminué de 9% entre 2016 et 2018 après le passage au 30 km/h.

Cependant, il est difficile d’isoler le seul effet du 30 km/h sur ce chiffre par rapport à d’autres facteurs ayant pu avoir une influence. La modération des vitesses mesure est en effet généralement mise en place  au sein d’un ensemble de mesures favorisant les modes alternatifs (transports en commun, marche, vélo…) et qui peuvent chacune impacter le trafic automobile.

Par exemple, dans Paris, la vitesse moyenne des voitures a déjà diminué de 40 % entre 1992 et 2019, passant de 20,9 à 12,3 km/h, pendant que la circulation automobile était divisée par 2. Ces deux variables – vitesse et volume de trafic – vont probablement continuer à diminuer et il sera difficile d’y isoler la part liée au 30 km/h. De même, la hausse de la pratique du vélo va se poursuivre, fruit de nombreuses évolutions structurelles et des politiques publiques locales.

Les autres effets positifs du passage à 30 km/h

Campagne de sensibilisation au 30 km/h et éa cohabitation à Palma de Majorque (Catalogne)

Si le thème de la pollution retient l’attention de cet article, il ne faut pas oublier que cette mesure est avant tout mise en place pour d’autres raisons.

En premier lieu la mesure répond à un enjeu de sécurité, puisque le risque pour un piéton d’être tué par une voiture est divisé par 5dans une collision à 30 km/h par rapport à 50 km/h.

Ensuite la réduction de la vitesse permet de réduire le bruit jusqu’à 3 dB selon l’étude précitée de l’ADEME.

Enfin, la réduction de la vitesse permet un meilleur partage de l’espace public : en permettant une meilleure cohabitation des piétons, cyclistes et automobilistes, mais également parce qu’une circulation à 30 plutôt que 50 km/h nécessite de 20 à 50 cm de largeur de voirie en moins. On pourra trouver à cet espace public toutes sortes d’utilisations socialement plus utiles que d’accélérer la vitesse de circulation : libérer de la place pour les trottoirs ou les pistes cyclables, pour de la végétation, des terrasses de bars, cafés ou restaurants, etc.

Une mesure soutenue par la majorité de la population

En 2020, deux sondages indiquaient que les français soutenaient largement cette mesure :  68 % des Français se disaient favorables à la “limitation de la vitesse maximale autorisée dans les centres-villes”(contre 28 % défavorables, 4 % ne se prononçaient pas), et 58 %approuvaient dans un 2ème sondage les mesures de “limitation à 30 km/h en ville” qui ont pu être mises en place à la suite du confinement de début 2020 (31 % contre, 11 % sans opinion) (…)

Aurélien Bigo, chercheur sur la transition énergétique des transports (pour aller plus loin sur le sujet de la vitesse des mobilités et le lien avec les distances parcourues et émissions de CO2, consulter les pages 142 à 214 de sa thèse)

Mathieu Chassignet, ingénieur en mobilité durable et auteur du blog Pour une mobilité durable et solidaire

 

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Le site turbo.fr fait son mea-culpa

9 octobre 2021

Le rédacteur du site turbo.fr reconnaît que son titre « On pollue davantage en roulant à 30 km/h qu’à 50 km/h » du 22 août dernier était incorrect. Il admet dans dernier post “Vous a-t-on menti sur la pollution des véhicules à 30 km/h ? ”  que ce n’est pas si simple et que dans certains cas il y a même baisse de la pollutio. C’est ce que montrent certaines études notamment anglaises.

Illustrations choisies par Rue de l’Avenir

Pour aller plus loin