Centres urbains à 30 km/h en Italie ?

L’ARPAT L’agence régionale de protectection d l’environnement de Toscane lance le débat

Passage piétons surélevé à Sienne (Toscane)

Repenser l’espace et le temps dans les centres urbains passe par la suppression des vitesses élevées des véhicules.

La mobilité durable et intelligente n’est pas seulement bonne pour l’environnement, elle est aussi bonne pour les personnes. Il existe de nombreuses raisons de l’encourager : réduction de la pollution atmosphérique et sonore, réduction des embouteillages, réduction de la consommation d’espace, diminution de la dégradation des sols, réduction des temps de trajet, réduction des coûts et efficacité accrue des transports.

Le levier du 30 km/h

Zone 30 à Lucca (Toscane)

La réduction de la vitesse dans les centres urbains est l’élément clé incontournable pour déclencher un effet d’entraînement sur toute une série de mesures qui devront redonner de l’espace aux gens. Il est nécessaire de partir de la thèse gagnante de la modération de la vitesse de circulation et du partage de la rue comme espace public. Le concept de « rue vivante » renvoie à la possibilité de penser la rue urbaine non seulement comme un flux de circulation automobile mais comme un espace de relation entre une pluralité d’usagers (automobilistes, piétons, cyclistes, résidents, étudiants) et de fonctions.

La route est par nature un lieu de rencontre par excellence pour la ville, elle doit redevenir un espace de socialisation et de vie. La ville doit donc rendre à ses rues les usages pour lesquels elles sont nées, en permettant aux centres urbains eux-mêmes d’enrichir les espaces de nouveaux usages et fonctions. En effet, il faut rappeler que 80% de la surface des zones urbaines est représentée par des routes et qu’il est donc indispensable de récupérer une utilisation résolument plus riche afin de réaliser l’espace partagé déjà mis en œuvre par la plupart des grandes villes européennes et qui, au contraire, en Italie peine à s’imposer.

C’est la réduction de la vitesse des voitures qui rend l’espace sans barrières sûr et accessible à tous. En Italie, le problème est culturel car la route est considérée comme la propriété de la voiture. En Italie, le piéton remercie le conducteur lorsqu’il traverse sur le passage pour piétons, il le remercie parce qu’il lui  » accorde  » de traverser. Nous en voyons ensuite les conséquences sur les enfants. L’Italie est le pays qui accompagne la plupart des enfants à l’école en voiture et l’autonomie de mouvement des enfants dans notre pays s’est avérée être inférieure à 7% en 2010, alors que l’autonomie de mouvement des enfants en Grande-Bretagne est de 41% et celle des enfants allemands de 40%.

On le voit dans les vitesses excessives qui caractérisent encore nos routes, si une voiture se renverse en plein jour dans un centre urbain, c’est qu’elle roulait à une vitesse d’au moins 80 km/heure. On comprend donc que l’on puisse créer les plus belles pistes cyclables, éclairées la nuit et ombragées par des arbres appropriés le jour, mais si celles-ci ne sont jamais sécurisées ou perçues comme telles, elles resteront des ouvrages inutiles et sous-utilisés, si aucune initiative d’accompagnement n’est prise pour empêcher les vitesses et accélérations folles en ville. La folie de la vitesse qui conduit souvent à la création de pistes cyclables au détriment des voies piétonnes (trottoirs) créant un conflit entre les usagers faibles de la route.

Ferrare (Émilie Romagne)

Souvent, dans nos villes, il n’y a pas d’espace à consacrer aux pistes cyclables, il devient donc encore plus important de réduire la vitesse des voitures, d’augmenter la sécurité routière et de permettre aux vélos de circuler avec les véhicules sans enlever de l’espace aux piétons, également parce qu’en Europe, le vélo se fait toujours au détriment de l’automobile.

Selon les recherches européennes, la voiture privée est garée et occupe l’espace public 92% du temps. Les données nous aident à comprendre le niveau de présence massive des véhicules dans nos villes, qui se reflète dans les embouteillages et les surfaces routières occupées par les véhicules : plus de 7 mille véhicules par kilomètre carré urbanisent à Naples et Bolzano, plus de 6 mille à Andria, Milan, Palerme, Foggia, Turin et Barletta. À Catane, on compte 1001 voitures et motos pour 1 000 habitants, c’est-à-dire qu’en moyenne, chaque personne possède un véhicule, y compris les enfants en bas âge et les personnes âgées de plus de 80 ans. Un espace qui est très précieux dans nos villes encombrées. En outre, 40% des trajets effectués en voiture dans les villes italiennes sont inférieurs à 3 km, des distances qui peuvent être facilement parcourues à vélo, de sorte que la réduction de cette utilisation inutile de la voiture favorise également ceux qui sont « réellement » obligés de l’utiliser, en contribuant à décongestionner le réseau routier de la ville.

Stationnement

La question du stationnement est fondamentale, toutes les expériences faites dans les grandes villes européennes confirment que la meilleure façon de dissuader l’utilisation de la voiture est de supprimer les places de stationnement, de réduire l’offre de places de stationnement. C’est l’outil le plus important si nous voulons donner un nouvel élan à la mobilité durable. À Reggio Emilia, par exemple, une augmentation de l’utilisation des bicyclettes s’est produite avec la création d’un plan vélo qui comprenait une augmentation des frais de stationnement, et cette méthode a eu plus de succès que la création de pistes cyclables. Les conséquences ont été une amélioration de la qualité de l’espace public.

Les places de nos villes ont été créées comme des lieux de rencontre et de rassemblement des citoyens, et non comme des aires de stationnement. Il est nécessaire de retrouver les fonctions originales des espaces dans les villes.

Florence (Toscane)

Dans l’ensemble, les 109 municipalités des chefs-lieux comptaient (en 2018) 4 568 kilomètres de pistes cyclables et moins de 8 kilomètres carrés de zones piétonnes. En termes de densité, cela signifie 23,4 pistes cyclables pour 100 kilomètres carrés de superficie et 42,7 mètres carrés pour 100 habitants.

En termes de véhicules, en revanche, la densité (données 2019) est de 771 pour 100 km² et de 762 pour 1000 habitants. Il semble clair que la mobilité motorisée l’emporte absolument sur la mobilité douce et que – si l’on veut parler de mobilité durable – un changement radical dans les choix effectués est indispensable, tant au niveau des gouvernements/administrations que des comportements individuels. Nous sommes parmi les rares pays européens dans lesquels les accidents urbains continuent de croître avec 28,5 décès par million d’habitants, en Norvège la valeur est de 5,3 décès par million d’habitants, en Grande-Bretagne 10,9, en Allemagne 15,7.

À la lumière de ces données, si aucune mesure n’est prise pour atténuer/diminuer les vitesses élevées dans nos villes, nous pouvons commencer à penser qu’il existe des éléments permettant de définir les accidents urbains comme le résultat d’une véritable « violence routière ».

Sécurité et démocratie de l’espace

Toutes les recherches européennes confirment que le principal facteur de dissuasion du cyclisme est la mauvaise sécurité routière.

Sans débat et travail sur la sécurité, il n’y aura jamais de forte augmentation du cyclisme actif. En fait, il est bien connu que la vitesse est le facteur déterminant de la gravité d’un accident, et c’est pourquoi la plupart des villes européennes, comme Paris, Lille, Bilbao, Valence, Madrid et Bruxelles, se sont concentrées sur le concept de « ville lente », en créant un réseau routier où la vitesse est limitée à 30 km/h, sauf sur les grands axes, où elle est limitée à 50 km/h.

La différence de temps entre une vitesse de 30 km/h ou de 50 km/h ne change pas grand-chose, mais la différence vraiment importante se situe au niveau de la sécurité. En réduisant la vitesse et en augmentant ainsi la perception de la sécurité, les usagers seront plus enclins à utiliser des moyens alternatifs à la voiture. La réduction du nombre de voitures en circulation et de voitures garées libérera de l’espace qui pourra à nouveau être utilisé pour les personnes, pour les trottoirs, pour la verdure urbaine, pour de nouvelles forêts urbaines. Diminuer l’espace pour les voitures signifie allouer plus d’espace aux pistes cyclables. La voiture doit circuler mais plus lentement, nous devons aller vers la réalisation de la démocratie de l’espace public par une redistribution.

Entrée de la ZTL de Lucca (Toscane)

Lancer le débat

Il est fondamental de jeter les bases d’un débat public sérieux au niveau national et local. Il sera nécessaire d’illustrer et de communiquer les avantages de ce changement et l’un des outils possibles est l’urbanisme tactique qui, en partant de la base et en impliquant des actions participatives, fait collaborer les citoyens eux-mêmes à la transformation des espaces et transmet le besoin de changement qui commence par l’expérimentation des zones 30. La plupart des gens ne savent pas que les zones 30 augmentent la qualité de vie et réduisent considérablement le risque d’accident.

Une campagne d’information efficace est nécessaire avant même l’introduction d’une zone 30 km/h, et un certain nombre de réunions doivent être organisées pour proposer une nouvelle utilisation des routes dans les quartiers afin qu’une nouvelle culture de la circulation puisse émerger. Il est nécessaire de raconter les avantages d’une ville à 30 Km/h qui ne représente pas une mesure contre les automobilistes mais en faveur de la sécurité et de la coexistence entre tous les usagers de la route pour restaurer la dignité et la qualité en tant qu’espace public partagé, pour des villes qui sont vraiment vivables, saines, résilientes et inclusives. La route appartient à tous, à commencer par les plus fragiles.

Texte de l’ARPAT Agence régional de protection de l’environnement de Toscane