Le rapport sur les émissions routières produit par le Cerema ne permet pas d’évaluer une zone 30 km/h

Le rapport d’étude «Emissions routières des polluants atmosphériques – courbes et facteurs d’influence » est une actualisation d’une note d’information du Setra (ex-direction infrastructures de transport et matériaux de l’actuel Cerema), au titre identique et publiée en 2009. Il s’agit d’un rapport technique, principalement destiné à l’élaboration des inventaires territoriaux des émissions atmosphériques.

Si les conclusions de ce rapport sont utiles à l’évaluation de projets d’infrastructures et de transports ou pour mieux comprendre des mesures visant à améliorer la qualité de l’air, en revanche, elles ne permettent pas d’évaluer des politiques publiques de mobilité telles que les mesures de réduction des vitesses en milieu urbain (zone 30 par exemple).

L’aménagement, le partage de l’espace public et la régulation des différents modes de transport sont des compétences pleines et entières des collectivités territoriales et de leurs groupements. Le Cerema accompagne les collectivités dans la mise en place leurs projets d’aménagement et de mobilité afin de trouver un équilibre fin, adapté à chaque contexte : parvenir à préserver cette capacité de toutes et tous à se déplacer, à un coût acceptable tout en maîtrisant les effets sur la santé et l’environnement.

Pourquoi ce rapport ne permet pas l’évaluation des mesures de réductions des vitesses notamment en milieu urbain ?

Ce rapport modélise des émissions « brutes » moyennes des véhicules, selon des cycles de conduite variés : phase de congestion avec des phases d’accélération et de décélération, à la fois en urbain, interurbain et autoroute. Les résultats présentés sur les courbes sont donc des émissions en fonction de valeurs moyennes de vitesses, dans des environnements et contextes très différents. Ces résultats ne sauraient être assimilés à des conditions de circulation à vitesse constante, ni à des conditions de circulation dans des zones à vitesses limites autorisées, notamment en agglomération (zone 30 par exemple).

Si les courbes du rapport montrent des émissions moyennes plus fortes aux faibles et basses vitesses (résultats bien connus des modélisateurs d’émissions), il faut surtout rappeler que le premier facteur influençant les émissions n’est pas la vitesse mais l’accélération. Autrement dit, un trafic « heurté » ou congestionné est bien plus émissif qu’un trafic régulier et apaisé. En milieu urbain, les phases d’accélération ne peuvent être évitées : arrêt aux intersections, ralentissements et en conséquenceaccélérations. L’enjeu est donc de limiter l’intensité de ces phases d’accélération (limitation des vitesses autorisées) et d’apaiser la conduite ; mieux canaliser le transit vers certains axes lors de la réorganisation de plans de circulation pour la mise en place de zones 30 y contribue notamment.

Il ressort donc de ces considérations qu’on ne peut pas conclure que des vitesses limitées à 30 km/h sont nécessairement plus négatives en termes d’émissions que des vitesses à 50 km/h.

Grenoble : entrée ville à 30 km/h

Pourquoi ce rapport ne permet pas d’évaluer l’impact sur la santé de mesures de réduction des vitesses ?

Les émissions mesurées dans ce rapport n’induisent pas forcément une augmentation notable de la concentration des polluants se retrouvant in fine dans l’atmosphère; le lien émissions- concentrations est non linéaire. Les courbes d’émissions traduisent donc un élément de compréhension pour la qualité de l’air et les gaz à effet de serre émis mais sont insuffisantes pourévaluer complètement les effets de mesures de limitation de vitesse. Pour ce faire, des mesures in situ couplées à une modélisation prospective des concentrations sont nécessaires afin de comprendre l’impact sur la santé de politiques de limitation des vitesses.

Au-delà, l’évaluation de l’impact sur la santé doit également intégrer les effets induits par une politique de réduction des vitesses qui recherche avant tout :

  • à limiter les phases d’accélération (conduite apaisée), ce qui est aussi bénéfique pour les émissions de bruit ;
  • à aller vers un report modal massif des trajets de courtes distances réalisés en voiture à moteur thermique, remplacés par des modes sobres ou moins émissifs comme la marche, le vélo ou les transports en commun ;Rappelons que l’abaissement des vitesses favorise l’essor des modes actifs, en leur offrant plus de sécurité et en les rendant plus compétitifs pour les trajets courts, prépondérants dans les déplacements du quotidien en ville ;Rappelons également que moins de trajets courts en voiture à moteur thermique signifie moins de trajet moteur à froid qui constituent des conditions d’émissions très pénalisantes ;
  • à abaisser l’accidentalité comme prouvé régulièrement ; notamment, le risque de décès est six fois plus élevé à 50 km/h qu’à 30 km/h en cas de choc ;
  • à améliorer la qualité de vie en permettant des espaces publics apaisés, moins bruyants, et des tailles de voirie moindres consacrées à la voiture dégageant alors de l’espace profitant alors à d’autres activités ou modes de transport.C’est l’ensemble de ces bénéfices qu’il s’agit d’évaluer pour comprendre l’impact sur la santé de mesures de vitesses limitées. C’est tout le sens de l’ouvrage du Cerema « Aménager des rues apaisées » (2020).

Source : note du Cerema de septembre 2021

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30 km/h et pollution