Sauver des vies : préparer l’après 2020

Recommandation du groupe d’experts

Un groupe d’experts universitaires convoqué par l’Administration nationale suédoise des Transports a mis à profit son expérience, son expertise et sa compréhension des enjeux, problèmes et solutions dans le domaine de la sécurité routière à l’échelle internationale, afin d’élaborer une série de recommandations destinées à orienter les activités qui seront déployées par les secteurs public et privé au cours des dix prochaines années dans la perspective de réduire de moitié le nombre des victimes de la route à travers le monde d’ici 2030.
Ces recommandations ont été formulées en amont de la troisième Conférence de haut niveau sur la sécurité routière mondiale qui s’est tenue à Stockholm en février 2020, et et qui ont été soumises à l’examen des participants à la conférence ainsi que des dirigeants d’entreprises, de gouvernements et de la société civile aux quatre coins du globe.

Le rapport propose une réflexion sur la Décennie d’action pour la sécurité routière 2011-2020, revenant sur les réalisations ayant découlé de cette initiative, mais aussi sur ses limites. Les objectifs de réduction du nombre de décès consécutifs à des accidents de la circulation routière à travers le monde n’ont pas été atteints, et ces chiffres ont même progressé au cours de la décennie concernée. Les données en présence sont insuffisantes pour évaluer les progrès réalisés en ce qui concerne les blessures graves. Néanmoins, cette décennie aura été le témoin de bon nombre de réalisations fondamentales, notamment une prise de conscience accrue des gouvernements, des entreprises et de la société civile quant aux problèmes de sécurité routière et à leurs solutions ; des améliorations mesurables et efficaces apportées à la sécurité en de nombreux lieux ; de nouveaux financements et de nouveaux partenariats. Les besoins en matière de sécurité routière ont été exprimés à l’aide d’une nouvelle structure reposant sur cinq piliers et des interventions fondées sur des données probantes ont été identifiées pour chaque pilier, assorties de mesures et de cibles. L’inscription de la sécurité routière au rang des Objectifs de développement durable (ODD) est une réalisation importante de la Décennie d’action 2011- 2020. L’inclusion d’une cible relative à la sécurité routière dans les ODD 3.6 et 11.2 constitue une remarquable réalisation, dont le potentiel s’avère prometteur.

Le rapport propose une vision quant à l’évolution de la sécurité routière et recommande une nouvelle cible visant à réduire de moitié le nombre de décès et de blessures graves sur les routes à l’horizon 2030, en s’appuyant sur une application élargie des cinq piliers, l’adoption des principes généraux de l’approche pour un système sûr (Safe System) et l’intégration de la sécurité routière dans les Objectifs de développement durable (ODD). La vision décrit une perspective d’évolution de la sécurité routière qui repose sur les fondements offerts par les cinq piliers, intègre l’adoption de l’approche pour un système sûr (Safe System) et mène à une intégration ultérieure complète des activités de sécurité routière dans le cadre de l’élaboration des politiques et du fonctionnement quotidien des gouvernements et des entreprises, à travers l’ensemble de leurs chaînes de valeur.
La vision souligne également la nécessité d’un engagement plus marqué des secteurs public et privé et de la société civile dans les activités de sécurité routière, et de renforcer les capacités des professionnels de la sécurité routière à travers le monde.

Une série de neuf recommandations sont proposées afin de donner corps à cette vision au cours de la décennie à venir :

Recommandation n° 8  30 km/h

Afin de protéger les usagers vulnérables de la route et d’atteindre les Objectifs de développement durable concernant les villes vivables, la santé et la sécurité, nous recommandons d’imposer une vitesse de circulation à 30 km/h maximum dans les zones urbaines, sauf si des données solides prouvent que des vitesses supérieures sont sûres.

Justification :

Dans un « système sûr », les routes et les véhicules sont conçus de sorte à intégrer la marge d’erreur humaine et éviter les blessures graves ou les décès.

Par ailleurs, les vitesses autorisées sont fonction du niveau de sécurité garanti par d’autres aspects du système.

L’OMS a lancé une campagne mondiale en faveur du 30 km/h dans les villes et villages du monde entier

Si ce principe s’applique à bien des aspects du système, les zones urbaines denses représentent un cas à part. Les caractéristiques de la conception de véhicules et de routes sûrs sont particulièrement importantes dans les zones urbaines où les usagers vulnérables de la route, notamment les piétons, les cyclistes et les motocyclistes, font partie intégrante de l’environnement routier.
La concentration d’usagers vulnérables de la route dans les quartiers urbains, ajoutée à la complexité de la circulation et à la fréquence des interactions entre les usagers, crée un risque considérable d’accidents et de traumatismes. Dans ces zones urbaines denses, même les meilleures caractéristiques de conception de véhicules et de routes sont incapables de garantir la sécurité adéquate de tous les usagers lorsque la vitesse dépasse le niveau sûr connu de 30 km/h.

Chercheurs et experts en sécurité soutiennent largement une limitation de la vitesse à 30 km/h maximum dans les zones urbaines afin de garantir une protection adéquate des usagers vulnérables de la route. Une analyse des recherches internationales disponibles sur le lien entre le changement de la vitesse d’impact, la vitesse d’impact et la probabilité de blessures graves ou mortelles indique que la limite sûre pour les piétons percutés par un véhicule de tourisme pourrait être même inférieure.

La Figure 8 ci-dessous indique que le risque de blessures graves monte en flèche à partir de 20 km/h.
Une étude portant sur les accidents de vélo révèle également que la vitesse de 30 km/h peut encore suffire à entraîner de graves blessures chez ces usagers vulnérables de la route.

Une analyse systématique menée par Cairns, et al a s’est penchée sur 10 études indépendantes portant sur les zones ou limitations à 30 km/h (ou 20 mph) et a conclu que ces mesures étaient associées à des preuves convaincantes de
réductions du nombre d’accidents, de blessures, de vitesse et de volume de circulation.
Ces études mettent également en évidence un meilleur rapport coût-efficacité, de meilleurs niveaux de perception de la sécurité par les résidents et une réaction positive de la population aux limitations de vitesse.

Vitesse d’impact du véhicule bélier (km/h)

L’analyse de Cairns, et al met en lumière des inégalités socio-économiques concernant les blessures dues aux accidents de la route à l’échelle du monde et, bien qu’aucune des études analysées n’ait abordé directement cet effet, les auteurs ont pu extrapoler à partir des données disponibles et indiquer que les zones ou limitations à 30 km/h pourraient réduire efficacement ces inégalités.

Le lien a été établi entre le bruit ambiant et les troubles du sommeil, les maladies cardiaques, le stress et, chez les enfants, une baisse des résultats scolaires,

L’abaissement des vitesses urbaines à 30 km/h comporte d’autres avantages, comme la diminution du bruit et une plus grande mobilité active. En 2017, une campagne nationale de mesure du bruit a été menée au Royaume-Uni à l’aide d’une méthodologie précise pour mesurer le bruit généré par le trafic dans le cadre d’une étude de Buehlmann et Egger publiée par l’Institute of Noise Control Engineering. Cette dernière a révélé qu’une vitesse de 30 km/h réduisait les niveaux acoustiques de moitié environ.
Le lien a été établi entre le bruit ambiant et les troubles du sommeil, les maladies cardiaques, le stress et, chez les enfants, une baisse des résultats scolaires, notamment une diminution des capacités d’apprentissage, des difficultés de compréhension en lecture et un déficit de concentration.

Pour l’oreille humaine passer du 50 au 30 km/h correspond à diminuer de moitié la circulation Source : VC!O 

Il est évident que la limitation de la vitesse urbaine à 30 km/h améliore la qualité de vie en ville à plusieurs égards.
De plus, elle pourrait avoir un effet à long terme sur les modes de déplacement de la population. En 2014, une étude menée par RAND et l’Institute for Mobility Research sur l’avenir de la conduite dans les pays en développement a analysé les facteurs qui influencent le recours aux véhicules personnels. Cette étude, qui s’est fondée sur l’expérience des pays développés, révèle que les infrastructures adaptées aux automobiles représentent le deuxième facteur le plus important, après la dispersion spatiale de la population, pour déterminer la dépendance éventuelle aux véhicules à moteur personnels pour la mobilité.

Les auteurs de l’étude RAND soulignent que la dépendance automobile est probablement déterminée par la phase de motorisation et que de nombreux pays en développement connaissent actuellement ce phénomène. Les politiques qui contribuent à ralentir circulation automobile, réduire les blessures graves dues aux accidents, créer des espaces de vie urbains plus sains et encourager la mobilité active peuvent façonner les communautés en voie d’atteindre certains Objectifs de développement durable (ODD), comme mentionné dans la recommandation relative au report modal.

Actions et responsabilités :

La meilleure façon de garantir le respect de la limitation de vitesse à 30 km/h consiste à adopter des stratégies conformes aux principes du de l’approche pour un système sûr afin que les conducteurs aient moins de possibilités de dépasser volontairement ou involontairement la limitation de vitesse. Parmi ces stratégies figurent la conception d’infrastructures comme les rétrécissements de voies, les chicanes, les trottoirs traversants et autres aménagements de la route qui ralentissent la circulation en affectant la vitesse de conduite confortable pour la plupart des véhicules.

L’adoption de la technologie connectée dans les véhicules permettrait d’utiliser les régulateurs de vitesse en association avec le géorepérage afin de contrôler les vitesses dans certaines zones. Le contrôle de vitesse automatique pourrait inclure des contrôles sur des tronçons où la vitesse moyenne sur des distances plus longues sont mesurées par des radars.

Cette recommandation est liée à d’autres, dont :

Pratiques et rapports en faveur de la durabilité, Infrastructure, Des véhicules sûrs dans le monde entier et Tolérance zéro pour les excès de vitesse.

Pour en savoir plus

:Stockholm rapport d’experts.pdf

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