Le 30 km/ dans les grandes villes allemandes

En 2023, l’Allemagne fête ses 40 ans de la première zone 30. Officiellement, la première a été mise en place le 14 novembre 1983 à Buxtehude¹, en Basse-Saxe.
Au moment de cet anniversaire, les discussions sur les zones 30 ont repris de plus belle. Les communes et les initiatives de riverains font pression pour obtenir des possibilités simplifiées de délimiter des zones à circulation réduite.
Mais elles sont freinées par la situation juridique actuelle

Heidelberg : 30 km/h sur le Neuhenheimerstrasse (axe structurant de l’état fédéré du Bade Wurtemberg) le long du Neckar (Rue de l’Avenir)

30 km/h : la carte de l’IFL montre des différence régionales

Même si elles sont une source d’irritation pour certains automobilistes : Les zones 30 réduisent le niveau de bruit, économisent le stress et évitent les accidents graves. L’institut Leibniz pour l’étude des pays a saisi l’occasion du débat relancé sur les limitations de vitesse pour illustrer sur une carte d’Allemagne la proportion de routes à vitesse réduite dans les villes.

La carte interactive de l’Atlas national en ligne de l’Institut Leibniz(IfL) se base sur les données les plus récentes pour les 80 villes de plus de 100.000 habitants. Elle montre le pourcentage de tronçons routiers sur lesquels la vitesse est limitée à 30 km/h (ou moins) par rapport à l’ensemble du réseau routier.

Pour les chercheurs de l’IfL Christian Hanewinkel et Wladimir Sgibnev, l’une des raisons de différences régionales est l’étendue du réseau de routes prioritaires qui échappent à la compétence communale (…).

Extrait de la carte de l’IFL Leibniz-Institut für Länderkunde des zones 30, en kilomètres, dans les 80 villes allemandes de plus 100 000 habitants en 2022
Légende couleur : vert foncé plus 50%; vert moyen 40 à 50%, jaune-vert 20 à 30% et  jaune moins de 20%

Accidents de la circulation

En 2022, environ 2.790 personnes ont perdu la vie sur les routes allemandes et environ 353.000 ont été blessées (Destatis 2022a). C’est dix fois moins que le nombre annuel de décès dans les années 1970 – mais c’est encore trop. En raison notamment de la forte densité de population et de trafic, la plupart des points noirs impliquant des personnes se trouvent dans les agglomérations (Atlas des accidents 2023). Le problème est connu depuis des décennies. Teufel (1988, p. 549) indique ainsi que « deux tiers des accidents de la route faisant des morts et des blessés se produisent dans les agglomérations. Les vitesses excessives en sont la cause principale ». En 2021, ce chiffre était également de 68 % pour les dommages corporels, contre 25 % sur les routes de campagne et 6 % sur les autoroutes. Pour les tués, les proportions sont de 29 % en agglomération et de 59 % sur route (Destatis 2022b). On constate néanmoins qu’il y a une grande pression pour agir dans les zones urbaines.

Le nombre de vies perdues et de blessés peut être considérablement réduit, voire réduit à zéro, par des mesures de gestion de la circulation. C’est l’objectif que s’est fixé le mouvement Vision Zéro. Il s’agit de protéger les usagers de la route les plus vulnérables et de rendre l’infrastructure et les moyens de transport si sûrs qu’il n’y ait plus de morts ni de blessés graves.
La boîte à outils de la Vision Zéro comprend des éléments de sécurité sur les véhicules (comme la carrosserie et les coussins d’air), mais aussi des programmes de formation, des limites d’alcoolémie, ainsi que des prescriptions en matière de ceinture de sécurité et de casque. Des mesures de construction, telles que des ralentisseurs ou des chaussées plus étroites , obligent les automobilistes à réduire leur vitesse et à être plus attentifs.
L’abaissement de la vitesse réglementaire de 50 km/h en ville à 30 km/h et moins, telle que définie en République fédérale d’Allemagne en 1957, contribuerait largement à réduire le nombre de morts et de blessés sur les routes, comme le montrent de nombreuses études et essais sur le terrain réalisés depuis les années 1980. En outre, une vitesse de circulation plus basse a des effets positifs sur le bruit et les émissions de polluants et contribue à des villes plus agréables à vivre et plus saines.

Cologne : axe 30 sur la Venloerstrasse, Bundesstrasse (route nationale) B59 (Rue de l’Avenir)

Mise en place de zones à 30 km/h

La mise en place de zones à 30 km/h s’effectue conformément au règlement sur la circulation routière

« Les autorités chargées de la circulation routière ordonnent en outre des zones à 30 km/h à l’intérieur des agglomérations, notamment dans les zones résidentielles et les zones où la circulation des piétons et des cyclistes est très dense et où les besoins de traverser sont importants, en accord avec la commune. L’aménagement de la zone ne peut concerner ni les routes à circulation interurbaine Bundes- Landes- et Kreisstrassen, (routes nationales, cantonales ou régionales) ni d’autres routes prioritaires (…).
Article § 45 StVO, paragraphe 1c

 Même lors de la mise en œuvre pratique, les communes intéressées se heurtent rapidement aux limites de leurs compétences. C’est pourquoi la démarche des villes et communes allemandes pour le 30 a été lancée en 2021 (…)

Des modèles spatiaux différents

Un coup d’œil sur la carte montre que l’écart entre les grandes villes avec des pourcentages élevés ou faibles de 30 km/h est considérable en ce qui concerne le réseau routier urbain.
Ce sont surtout les villes du sud et du nord de l’Allemagne, y compris Berlin et Potsdam, qui présentent des pourcentages relativement élevés de rues où la vitesse de circulation maximale est de 30 km/h. En revanche, dans le centre de l’Allemagne, il semble y avoir une bande relativement large entre Mönchengladbach et Dresde, où ces pourcentages sont plutôt faibles. On peut en conclure que la politique des transports des Länder joue un rôle. Toutefois, la majorité des routes limitées à 30 km/h se trouvent sur le réseau routier secondaire – qui relève de la compétence des communes.
Il n’y a qu’à Berlin que l’on peut constater une nette proportion de routes limitées à 30 km/h sur le réseau principal, Berlin a le taux le plus élevé de toutes les grandes villes avec 60% (…).
D’autre part, dans les deux villes dont le pourcentage est inférieur à 20% – Salzgitter et Coblence – les proportions entre les routes principales et secondaires sont presque équilibrées (…).

Berlin. La rue Oderberger située dans l’ancien Berlin-Est est une zone 30 avec une utilisation remarquable des trottoirs et de la végétalisation. Les habitants sont battus, déjà en RDA, pour conserver le caractère de cette rue (Rue de l’Avenir)

Palmarès de quelques grandes villes allemandes

  1. Berlin 60% dont 3517 km de voies secondaires et 240 km d’axes principaux sur 2000 km
  2. Essen 56%
  3. Munich  56%
  4. Stuttgart 52%
  5. Nuremberg 50%
  6. Hanovre 49%
  7. Hambourg 45%
  8. Brême 45%
  9. Fribourg-en-Brisgau 44%
  10. Dortmund 44%
  11. Francfort 43%
  12. Cologne 40%

Auteurs de la recherche : Christian Hanewinkel et Wladimir Sgibnev

¹Buxtehude (note de RdA) : il ya 40 ans l’expérience de ville modèle avait déjà démontré une baisse conséquente de la vitesse moyenne, des accidents, de la pollution et bruit. Étonnamment en 2023, dans certains villes en Allemagne et en Suisse, la discussion paraît repartir de zéro en oubliant 40 ans d’expérience.

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