Graz ville à 30
Graz, ville de 310 000 habitants (560 000 pour l’agglomération) est la première ville européenne à être passé au 30 km/h généralisé – il y a près de 25 ans – sauf exception pour les axes prioritaires, indiqués par un losange jaune habituel pour les rues / routes qui ont la priorité. Ces axes sont à 50 km/h sans que cela soit indiqué par la signalisation.
Contexte
A la fin des années 80 la Ville de Graz, suite à l’augmentation de la pollution et de la motorisation, à choisi de lancer un programme appelé « sanfte Mobilität » qui se traduit par « mobilité douce » qui prévoyait d’être à la fois une ville à 30 km/h et une ville du vélo.
Le choix s’est porté sur une généralisation du 30 km/h pour des questions économiques – cela coûte beaucoup moins cher que des zones isolées et pour des raisons d’équité sociale (aucun quartier n’est privilégié).
La ville est passée à 30 km/h généralisé, sauf exception sur les axes principaux, le 1er septembre 1992. La logique est simple et facile à comprendre: le 30 km/h est la règle, le 50 km/h est l’exception, sur les axes principaux.Le panneau de localité (voir photo ci-dessus de Julien Lovay) indique 30 km/h avec une plaque complémentaire « excepté sur les principaux ». La Ville s’est épargné une forêt de panneaux, en effet il n’y a pas de signalisation verticale pour indiquer le passage du 50 aux quartiers à 30, seul un logo 30 au sol (photos 3,4 et 8) ).
Pas cher !
La mise en place du 30 km/h en une fois, s’est faite sans aménagement au coût de € 385 000.- (chiffres 1992). Le réseau a 30 km/h s’étend sur 80% des 800 km de voiries. Il est à noter que 80% de la circulation circule sur le 20% des axes restés à 50 km/h. Le coût d’entretien annuel est de l’ordre de €100 000.
A Graz, on a le 30 dans le sang !
A Graz, la logique est renversée. Les « zones » 30 ne sont pas des îlots isolés au sein d’un réseau où la limitation « générale » à 50 km/h règne en maître. Au contraire, le 30 km/h est la règle, tandis que les routes à 50, confinées au réseau principal, constituent des exceptions. Et c’est comme ça depuis 25 ans !
Bien sûr, aujourd’hui, le résultat sur le terrain, en termes de proportion de voiries en zone 30 (environ 80% de l’ensemble du réseau routier de la commune), n’est finalement pas tellement différent que ce que l’on peut observer dans la plupart de nos villes suisses, où les zones 30 ont progressivement fait tache d’huile. Mais dans la pratique, la situation est assez diamétralement opposée. C’est que depuis le temps que le système 30-50 est en place, la limitation à 30 est dorénavant totalement intégrée à Graz, où personne ne songe à la remettre en question, tandis qu’elle fait toujours âprement débat en Suisse, notamment sur la délicate question de la suppression des passages piétons.
Ainsi, avec sa nouvelle règlementation générale adoptée en 1992 et sa « conversion en bloc » au 30km/h, que de turpitudes et de dépenses la ville de Graz s’est-elle évitée, quand on sait combien difficiles sont les « accouchements » des nouvelles zones 30 en Suisse ! Sur ce coup-là, la ville de Graz a fait preuve d’un grand pragmatisme, dont elle récolte pleinement les fruits depuis de nombreuses années (circulation apaisée dans l’ensemble des quartiers et remarquablement fluide sur les grands axes, diminution du bruit routier, etc.).
A quelque part, on peut dire que de par son approche, Graz a « désacralisé » les zones 30, en faisant du 30 km/h une limitation de vitesse comme une autre, qu’il s’agit de respecter sans que l’on y soit forcément « contraint » par l’aménagement même de la chaussée, comme c’est le dogme en Suisse. Pourtant, sur nos routes à 60 ou à 80, et encore plus sur nos autoroutes, il est la plupart du temps « techniquement » possible de rouler largement au-dessus de la vitesse légale ; or l’immense majorité des usagers la respectent et l’on n’envisage pas systématiquement la mise en place d’aménagements modérateurs lorsque ce n’est pas le cas, de « simples » contrôles de vitesse faisant la plupart du temps largement l’affaire. Pourquoi dès lors ne pourrait-il pas en être de même avec les zones 30 ?
Julien Lovey
Comment cela marche
Des mesures d’accompagnement sont nécessaires pour faire respecter le 30 km/h, des contrôles fréquents de la police (photo 13 Ville de Graz) mais aussi des campagnes de sensibilisation annuelles et une communication et information active.
Graz a mis en place une politique visant à changer les comportement basées sur
- l’information et la communication: par ex rappeler que les les achats sont le fait à 68% des piétons, cyclistes et usagers des TC
- les campagnes de sensibilisation annuelles (voir 11 la photo « Graz ça change en 2010). Campagne 2012 « Mettons fin aux mythes »(photo 18)
- des rituels, des programmes de motivation à intervalle régulier comme les journée mensuelle cycliste « City Radeln » (photos 15 et 16), les tours à vélo de la pleine lune, la journée européenne de la mobilité
- des mesures incitatives tels les plans de mobilité d’entreprises et scolaires, soutien financier jusqu’à €1000 aux entreprises pour l’achat de vélos et de remarques de livraison
- des cours pratiques dès le jardin d’enfants (photo 17). Également pour les familles
- des actions ciblées envers des groupes particuliers d’usagers. Par ex entrainement vélo pour les migrants (photo 14), pour les seniors
- la participation au projet d’urbanisme. Par exemple pour la Sonnenfelsplatz ou au concept artitique d’une rue résidentielle
Voir de nombreux exemples dans la présentation – en français – que Gundrun Rönfeld, ville de Graz, a donné à Neuchâtel lors de la Journée Rue de l’Avenir 2013.
Graz une ville qui cultive sa mobilité de Martin Walther, extrait du bulletin 4/2013
Et sur les axes à 50 km/h
Le concept 50/30, que le BPA et et RdA préconisent en Suisse, demande que la partie à 30 km/h soit réalisée au meilleur coût et que le financement disponible soit utilisé sur le réseau principal à 50 km/h là où se trouve les commerces, les écoles, les bâtiments publics, la vie sociale. C’est aussi le réseau qu’emprunteront souvent les cyclistes du quotidien.
A Graz, la Ville a soigné cet aspect en essayant de sécuriser et de faciliter la mobilité douce sur ces axes. C’est particulièrement vrai pour les itinéraires cyclistes, généralement hors circulation (photos 6 et 9). C’est moins vrai pour les piétons qui doivent parfois partager leur espace avec les deux-roues légers. Dans certains cela crée des situations difficiles pour le piéton vulnérable – enfants, PMR ou personnes âgées en particulier (photo 10).
Lire aussi la présentation de la visite de terrain des 15 et 16 octobre 2016