Le vélo chez les jeunes : un moyen de déplacement sous-estimé

L’OUVEMA s’est intéressé à la pratique du vélo chez les jeunes. L’étude, qui s’est déroulée à Yverdon-les-Bains, a analysé l’usage, l’équipement et l’image du vélo auprès des jeunes des écoles du secondaire I et II.

Extrait du rapport de l’OFROU – Vélo chez les jeunes

L’Office fédéral des routes a mandaté l’Observatoire universitaire du vélo et des mobilités actives (OUVEMA) de l’Université de Lausanne pour réaliser une étude sur la pratique du vélo dans la ville d’Yverdon-les-Bains qui a également apporté son soutien.
Une enquête par questionnaire (N=1’334) ainsi qu’une quinzaine d’entretiens de groupe (N=147) ont été réalisés auprès de jeunes âgés entre 13 et 20 ans.

Les principaux résultats montrent que l’apprentissage du vélo reste très largement répandu dans la population étudiée (98%). Toutefois, les connaissances de base ne sont pas toujours suffisantes pour transformer une pratique ludique (le vélo comme jeu) en une pratique récréative et surtout utilitaire (savoir rouler dans la circulation par exemple).

Un premier indicateur d’abandon du vélo s’observe avec l’augmentation de la part de jeunes n’ayant pas de vélo fonctionnel (19% à 13 ans contre 40% à 20 ans). Les motifs d’utilisation du vélo se transforment également avec l’âge, la pratique utilitaire étant délaissée au profit d’une pratique davantage récréative et occasionnelle. La baisse de la pratique du vélo chez les jeunes s’explique notamment par l’image que renvoie le vélo. Alors que l’image du vélo est globalement positive, elle semble toutefois faire davantage référence au vélo comme loisir ou sport que comme moyen de transport – l’option d’utiliser le vélo pour se déplacer est ainsi peu prise en compte par beaucoup de jeunes. Finalement, le manque d’infrastructures cyclables, la cohabitation avec le trafic motorisé et la concurrence des autres modes de transport complètent la liste des principales explications identifiées par cette étude.

L’étude a été réalisée par Aurélie Schmassmann, Daniel Baehler et Patrick Rérat. Le rapport complet comprend une synthèse en français et en allemand des principaux résultats et des recommandations.

Extrait du rapport de l’OFROU – Vélo chez les jeunes

Les enjeux de la pratique du vélo chez les jeunes  (rapport p 163)

La pratique du vélo chez les jeunes se caractérise en Suisse par trois tendances majeures. Premièrement, si les jeunes constituent la classe d’âge qui utilise le plus le vélo, la part de ce dernier dans leurs déplacements a diminué ces dernières décennies tant pour les motifs récréatifs (le vélo comme loisirs ou sport) qu’utilitaires (le vélo comme moyen de transport). Deuxièmement, la part modale du vélo diminue au fur et à mesure de la jeunesse : elle est ainsi trois fois plus élevée parmi les 13-15 ans (19% des déplacements) que chez les 16- 20 ans (6%). Troisièmement, des disparités régionales sont constatées et celles-ci sont encore plus marquées parmi les jeunes que dans la population générale. La part du vélo est ainsi bien plus élevée en Suisse alémanique chez les 13-15 ans (26%) et les 16-20 ans (8%) qu’en Suisse romande (respectivement 4% et 3%).

Ces tendances soulèvent plusieurs enjeux cruciaux quand bien même la mobilité des jeunes fait l’objet de moins de recherches que celle de leurs aînés. Leurs déplacements – de manière générale ou pour les trajets liés à la formation – représentent des volumes conséquents. Les pratiques de mobilité sont de surcroît étroitement liées à des problématiques de durabilité (émission de polluants et de gaz à effet de serre, consommation de ressources, etc.) et de santé publique (lutte contre le manque d’activité physique). Finalement, la jeunesse est une période-clé pendant laquelle est apprise l’autonomie et sont pratiquées différentes formes de mobilité. Un apprentissage et une expérience positive de la circulation à vélo constituent des éléments de poids pour la poursuite de cette pratique à l’âge adulte.

Recommandations pour la pratique du vélo en Suisse

Sur la base de la recherche menée à Yverdon-les-Bains, plusieurs enjeux et recommandations peuvent être identifiés en matière de promotion du vélo chez les jeunes.
Nous proposons de les structurer en six pistes de réflexions qui dépassent le cas étudié et s’appliquent au cas suisse de manière générale.

Extrait du rapport de l’OFROU – Vélo chez les jeunes

 1. Prolonger la pratique ludique du vélo en une pratique récréative er utilitaire

L’apprentissage de base (savoir pédaler en gardant l’équilibre) est partagé par la quasi-totalité des jeunes. Cette compétence permet une pratique ludique du vélo (le vélo comme jouet ou comme jeu). Un enjeu consiste à favoriser le passage de la pratique ludique vers une pratique récréative et utilitaire. L’analyse a montré qu’une proportion importante de jeunes se caractérisent par une trajectoire cycliste de diminution de l’usage du vélo voire d’abandon. Les mesures de promotion devraient intégrer le fait que les trajectoires cyclistes peuvent se révéler fragiles dans la jeunesse et qu’il convient d’assurer leur continuité par des actions touchant tant les jeunes que leur environnement.

2 Faciliter l’accès à un vélo adapté en état de fonctionnement

L’accès à un vélo adapté (« pouvoir faire du vélo ») constitue une condition sine qua non à une pratique régulière. Or, près d’un jeune sur cinq ne possède pas de vélo et pour près d’un sur dix il n’est pas en état de fonctionner. Accroître l’accès au vélo pourrait passer par des bons à l’achat ou à la réparation dans un magasin spécialisé (au même titre que des subventions sont accordées selon certains critères pour les abonnements de transports publics pour se rendre à l’école), des bourses vélo (ou communiquer autour des démarches existantes), des services de location de longue durée, des systèmes de vélos en libre-service (avec des stations à proximité des établissements scolaires et des tarifs attractifs), des ateliers de réparation par et pour les jeunes ou un atelier mobile de réparation tel que proposé par Défi Vélo. Le vélo à assistance électrique serait également à intégrer aux réflexions tant en termes de possession (achat) que de système en libre-service. Il serait intéressant de profiter de son potentiel de réduction de la distance et de la topographie pour toucher les jeunes dès 14 ans (avec un examen théorique sur le code de la route ou 16 ans sans examen).

3. Développer les compétences nécessaires pour la pratique utilitaire et régulière

Les compétences (« savoir faire du vélo ») commencent par l’apprentissage de base. Si celui-ci est très largement répandu, il est moins évident pour les enfants grandissant dans des familles peu cyclophiles. Dans ce cas, il serait intéressant de favoriser l’apprentissage dans le cadre scolaire. En plus de séances de prévention organisées par la police, des cours de conduite paraissent d’autant plus pertinents que se déplacer à vélo, notamment en milieu urbain, implique de nombreuses autres connaissances. Des cours pourraient tenir compte du niveau d’aisance très variable entre jeunes et des différences de genre.

4. Communiquer autour du vélo de manière ciblée auprès des jeunes

En termes d’appropriation (« vouloir faire du vélo »), le fait que l’image du vélo soit généralement très positive constitue un point de départ encourageant. Toutefois, cette image positive peut se situer à un niveau général (et non s’appliquer à une situation personnelle) ou s’appliquer davantage au vélo récréatif qu’au vélo utilitaire. Des campagnes de communication, ciblées autours des besoins et attentes de jeunes (indépendance, efficacité, sport, écologie, etc.), pourraient favoriser une image positive et in fine la pratique effective du vélo. Elles pourraient également intégrer les différences observées (genre, contexte familial, etc.).

5. Donner l’occasion aux jeunes de tester le vélo (utilitaire)

Le vélo fait l’objet de plusieurs a priori ou préjugés que ce soit en termes d’image, d’effort à consentir, de durée de trajet, d’adéquation par rapport aux besoins, etc. Avoir l’opportunité, dans le cadre scolaire, d’essayer le vélo est une manière de rendre plus concrets ses avantages. Ces incitations peuvent être des sorties ou des camps scolaires tenant compte toutefois des compétences cyclistes très variables entre jeunes. Il s’agit aussi de programmes tels que bike2school ou Défi vélo qui proposent d’essayer le vélo de manière ludique (création d’équipe, concours, etc.) ou de la création, pour les plus jeunes, de vélobus (à l’instar des pédibus).

6. Développer des territoires acceuillants pour la pratique du vélo

La pratique du vélo dépend étroitement des aménagements et des infrastructures présents sur un territoire. Des itinéraires sécurisés (et donc séparés du trafic routier), directs et agréables, en particulier menant aux établissements scolaires, sont nécessaires pour accroître l’attractivité du vélo chez les jeunes mais aussi aux yeux de leurs parents. Les secteurs à proximité immédiate des établissements scolaires peuvent être accidentogènes en raison des flux de voitures. Une fermeture au trafic motorisé, y compris de manière temporaire aux heures de début et de fin des cours, permettrait une sécurité accrue. L’embarquement des vélos dans les transports en commun et des offres d’abonnement attractives permettraient, si la place le permet, de surmonter des problèmes de topographie ou de distance. Le stationnement apparaît également comme une variable clé afin de limiter les risques de vol et de vandalisme mais aussi afin de rendre la pratique du vélo efficace et attractive. La localisation des stationnements revêt une importance stratégique notamment à l’entrée des bâtiments scolaires. Une telle action renforcerait également l’image du vélo comme moyen de transport à part entière.

Extrait du rapport de l’OFROU – Vélo chez les jeunes

Ces six recommandations sont basées sur les enseignements d’une enquête par questionnaire et d’entretiens de groupes menés auprès de jeunes de 13 à 20 ans à Yverdon-les-Bains.
Elles permettraient d’actionner une variété de leviers d’action afin que le vélo devienne non seulement une pratique plus répandue pendant la jeunesse mais qu’elle puisse aussi se poursuivre à l’âge adulte. Elles participeraient ainsi à la transition vers une mobilité à basse empreinte carbone et en adéquation avec les principes de durabilité.

Sources :