Des usagers peu enclins à faire de la place aux autres

Ces quelques mots donnent l’esprit des résultats issus de la 3ᵉ édition de l’étude sur le partage de la route commandée par la Fondation Vinci et publiée le 8 novembre 2023.
Cette enquête annuelle, menée par Ipsos sur 12 400 Européens dans 11 pays, scrute les comportements des usagers face à la cohabitation entre différents modes de déplacement.

L’objectif est de comprendre comment les Européens, qu’ils soient automobilistes, conducteurs de deux-roues motorisés, cyclistes ou piétons, interagissent sur les routes. Ces résultats interpellent sur la nécessité de sensibiliser davantage les usagers au respect mutuel et aux règles pour favoriser une cohabitation harmonieuse sur les routes et l’espace public.

Quelle attention portent-ils aux autres usagers de la route ?

Qu’ils soient automobilistes, conducteurs de deux-roues motorisés, cyclistes ou piétons, quelle attention portent-ils aux autres usagers de la route ? Dans quelle mesure respectent-ils les règles de partage de la route ? Est-ce que leurs comportements sont influencés par les différents modes de déplacement qu’ils utilisent ? Les réponses de 12 400 Européens, dont 2 400 Français, témoignent de la nécessité de sensibiliser toujours plus l’ensemble des usagers au respect d’autrui et des règles, de façon à rendre possible une coexistence harmonieuse sur la route.

Partage de l’espace et cohabitation des modes déplacement en Europe. Source : enquête Fondation Vinci

À l’heure du nécessaire développement des modes de déplacement actifs, le partage de la route, et plus largement de l’espace public, requiert une faculté d’adaptation de chacun pour garantir à tous des déplacements sûrs et apaisés. Le manque d’infrastructures adaptées rend plus complexe la cohabitation entre les différents usagers mais ne peut justifier les nombreuses prises de risque et infractions qui exposent particulièrement les plus vulnérables.
Bernadette Moreau, déléguée générale de la Fondation VINCI Autoroutes

Quel que soit le mode de déplacement, la cohabitation avec les autres usagers est source d’anxiété et de tensions.

La diversité des modes de déplacement (voitures, deux-roues motorisés, vélos, marche à pied) et l’évolution de leur part respective, dans un espace public contraint, rendent la cohabitation entre les différents usagers complexe et souvent difficile.

Une très large majorité d’usagers témoigne d’un climat particulièrement anxiogène sur la route.
Cette inquiétude peut être liée à des comportements à risque de la part d’autres usagers. C’est ce que mentionnent 96 % d’entre eux (93 %), et plus particulièrement :

  • 96 % des automobilistes (stable par rapport à 2020 ; 92 %),
  • 96 % des cyclistes réguliers (+9 par rapport à 2020 ; 88 %),
  • 92 % des motards (+11 par rapport à 2020 ; 87 %).

Les piétons sont également très affectés par les prises de risque des autres usagers. Ainsi, ils sont 95 % à avoir peur qu’un automobiliste ne s’arrête pas pour les laisser passer, alors qu’ils sont engagés sur un passage piéton (89 %).

La peur de l’agressivité des conducteurs motorisés est aussi très largement soulignée par l’ensemble des usagers : 88 % des automobilistes (82 %), 88 % des motards (82 %) et 83 % des cyclistes (78 %) en témoignent.

La résistance au partage de la route, mais aussi chez certains le sentiment d’être en danger, sont à l’origine d’un non-respect généralisé des espaces réservés à certaines catégories d’usagers.

L’aménagement des villes et des voiries doit garantir une cohabitation harmonieuse entre les divers modes de transport, en s’adaptant aux évolutions de la mobilité. Même dans des environnements contraints, il est essentiel de garantir le respect des espaces réservés aux usagers les plus vulnérables. Pourtant, le manque d’espace, la densité du trafic ou tout simplement la recherche de plus de sécurité sont autant de motivations à empiéter sur les espaces réservés aux autres usagers de la route au prix de leur mise en danger.
À chaque type d’usagers, ses mauvais comportements avoués :

  • Trottoirs : trop souvent occupés par les cyclistes et les motards au détriment des piétons

Les trottoirs sont des espaces dédiés aux piétons. Cependant, motards et cyclistes ont une forte tendance à se les approprier pour s’y garer (73 % des motards ; 61 %) ou pour y circuler (43 % des motards ; 45 % et 60 % des cyclistes réguliers ; 72 %). Cette occupation abusive de l’espace constitue un danger pour les piétons qui sont 82 % à déclarer avoir déjà été frôlés par un vélo, une trottinette ou un hoverboard lorsqu’ils marchaient sur un trottoir (64 %).

  • Sas vélo et pistes cyclables : la protection des cyclistes négligée

Alors que les sas vélo sont exclusivement réservés aux cyclistes pour leur permettre de se positionner en amont des véhicules dans un carrefour à feux, afin de mieux voir et être vus, 57 % des motards (57 %) et 33 % des automobilistes (26 %) admettent cependant s’y arrêter. Les pistes cyclables font, elles aussi, l’objet d’un usage abusif par les conducteurs de deux-roues ou de véhicules motorisés : 50 % des motards reconnaissent les emprunter (50 %) et 13 % des automobilistes les utilisent pour s’arrêter ou stationner (18 %).

  •  Stationnement, voies réservées : des comportements inappropriés et dangereux de la part des automobilistes

Souvent perçues par les conducteurs comme des pratiques anodines, les libertés qu’ils prennent avec le Code de la route peuvent avoir des conséquences graves sur les usagers vulnérables. Ainsi, 28 % des automobilistes avouent régulièrement se garer en double file (32 %), 13 % admettent emprunter les voies de bus (21 %), 12 % reconnaissent utiliser des emplacements réservés aux personnes en situation de handicap (14 %) et 13 % les places dédiées aux véhicules électriques (15 %). Autre signe de négligence vis-à-vis des cyclistes, 39 % des automobilistes avouent ouvrir leur portière sans vérifier leur présence à proximité (36 %).

Les prises de risque et le non-respect de règles élémentaires du Code de la route concernent toutes les catégories d’usagers.

­­Alors même que l’utilisation du téléphone est reconnue comme l’une des principales sources de distraction, à l’origine de nombreux accidents, plus de la moitié des automobilistes, des motards et des piétons téléphonent en conduisant ou en marchant :

  • 62 % des automobilistes (66 %),
  • 58 % des piétons (57 %),
  • 51 % des motards réguliers (50 %),
  • 31% des cyclistes réguliers (34 %).

Le non-respect d’un feu rouge, ou du « petit bonhomme » rouge pour les piétons, peut être fatal pour soi-même et pour les autres usagers de la route – en 2022, en agglomération, les piétons tués l’ont été principalement sur un passage piéton ou à moins de 50 mètres d’un passage protégé (69 %)[1]. Pourtant, cette infraction est largement admise à la fois par les conducteurs, les cyclistes et les piétons.

Ainsi :

  • 67 % des automobilistes reconnaissent passer au feu orange ou rouge (63 %) ;
  • 41 % des cyclistes réguliers reconnaissent aussi le faire dans les situations dans lesquelles cela ne leur est pas autorisé par la signalisation (37 %) ;
  • 70 % des piétons admettent traverser à un passage piéton alors que le symbole les concernant est rouge (56 %) et 87% reconnaissent qu’il leur arrive de traverser en dehors de tout passage protégé (85%).

En France, l’utilisation régulière de modes de déplacement actifs (mobilité douce) progresse, mais demeure encore largement inférieure à celle de la majorité des pays européens.

La voiture est le premier mode de déplacement en France’ et en Europe. Pour leurs trajets quotidiens, les Français et les Européens sont aussi adeptes des modes actifs. Les Français sont 62 % (+3 points en 2022) à se déplacer régulièrement à pied, soit 4 points de moins que la moyenne des Européens (66 %), et 13 % (+ 2 points en 2020) à utiliser régulièrement un vélo, soit 9 points de moins que les autres Européens (22 %). Ils sont aussi 5 % à utiliser souvent un deux-roues motorisé (8 %) et 4 % une trottinette ou un hoverboard (4 %).

Sans surprise, ce sont les Néerlandais qui utilisent le plus constamment le vélo (58 %), largement devant les Belges (28 %), les Polonais (27 %) et les Allemands (26 %). Les Français se placent en 8ᵉ position à égalité avec les Grecs (sur 11 pays européens sondés) (13%), juste devant les Britanniques (10 %) et les Espagnols (9 %).

En ce qui concerne la marche à pied, ce sont les Grecs qui la pratiquent le plus (78 %) et les Belges le moins (50 %).

L’absence d’utilisation du clignotant pour doubler ou changer de direction, qui concerne plus d’un conducteur sur 2 (58 % ; 52 %), est aussi révélatrice de l’individualisme et de l’indifférence aux autres usagers de la route qui prévalent.

La pratique de différents modes de déplacement, l’intermodalité, facteur d’un meilleur respect des autres sur la route ?

Savoir se mettre à la place de l’autre pour comprendre ses contraintes et sa vulnérabilité est l’un des bénéfices de l’usage de plusieurs modes de déplacement. 54 % des conducteurs utilisent au moins un mode de déplacement autre que la marche, deux-roues motorisé, vélo, trottinette,  (63 % des Européens – 85 % des Néerlandais et 39 % des Britanniques). Or, 78 % de ces « multi-usagers » déclarent faire preuve d’une plus grande prudence vis-à-vis des autres sur la route (vérification des angles morts, respect des pistes cyclables et des places réservées aux personnes en situation de handicap, vigilance en ouvrant la portière, etc.) (73 %).

Parmi les automobilistes qui utilisent régulièrement le vélo, 41 % estiment qu’ils respectent mieux la signalisation que lorsqu’ils sont en voiture (39 %et 74 % considèrent qu’un trajet à bicyclette leur demande de faire plus attention qu’en voiture (64 %).

[1] ONISR – La sécurité routière en France – Bilan de l’accidentalité 2022

Sources :