Remise de la lettre ouverte des personnels de santé du monde entier au Dr Tadros DG de l’OMS

Les pays doivent prendre des engagements nationaux ambitieux en matière de climat s’ils veulent assurer une reprise saine et écologique après la pandémie de Covid-19, alerte lundi l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Cette mise en garde de l’Agence sanitaire mondiale de l’ONU intervient le même jour que la publication d’une lettre ouverte de l’Alliance mondiale pour les personnels de santé, qui appelle également à l’action pour éviter une catastrophe sanitaire.

Le rapport spécial de la COP26 de l’OMS sur le changement climatique et la santé, lancé le 11 octobre 2021 à l’approche de la Conférence de l’ONU sur le changement climatique (COP26) à Glasgow (Écosse), énonce les demandes de la communauté sanitaire mondiale en matière d’action climatique, sur la base d’un nombre croissant de recherches établissant les liens nombreux et indissociables entre le climat et la santé.

« La pandémie de Covid-19 a mis en lumière les liens intimes et délicats entre les humains, les animaux et notre environnement », a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS. « Les mêmes choix non durables qui tuent notre planète, tuent les gens », a fait valoir le chef de l’OMS.

Le changement climatique, la plus « grande menace sanitaire »

Le rapport de l’OMS COP26 special report (en anglais) fustige ainsi « la combustion de combustibles fossiles (qui) est en train de nous tuer ». Une façon pour l’agence onusienne de rappeler que le changement climatique est la plus « grande menace sanitaire » à laquelle l’humanité est confrontée.

D’autant que la pollution atmosphérique, qui résulte principalement de la combustion de combustibles fossiles et qui est également à l’origine du changement climatique, provoque 13 décès par minute dans le monde.

Le rapport souligne que la protection de la santé des personnes nécessite une action transformationnelle dans tous les secteurs, y compris l’énergie, les transports, la nature, les systèmes alimentaires et la finance.

La publication de ce rapport intervient alors que des phénomènes météorologiques extrêmes sans précédent et d’autres incidences climatiques ont un impact croissant sur la vie et la santé des personnes. Les phénomènes de plus en plus fréquents, tels que les vagues de chaleur, les tempêtes et les inondations, tuent des milliers de personnes.

Ils menacent également les systèmes et les installations de santé. Selon l’OMS, les changements météorologiques et climatiques menacent la sécurité alimentaire et favorisent les maladies transmises par la nourriture, l’eau et les vecteurs, comme le paludisme, tandis que les effets du climat ont également des répercussions négatives sur la santé mentale.

Delft (NL): les piétons et les cyclistes dominent sur la place du Marché devant l’ancien Hôtel-de-Ville Photo Modacity

Dix priorités

Face aux enjeux de la crise climatique, « l’une des urgences sanitaires les plus pressantes de la planète  » , le nouveau rapport de l’OMS met en évidence « 10 priorités pour préserver la santé des populations et de la planète qui nous nourrit ».

L’OMS appelle ainsi tous les pays à s’engager à prendre des mesures décisives lors de la COP26 pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C. « Non seulement parce que c’est la bonne chose à faire, mais aussi parce que c’est dans l’intérêt de la planète et de la communauté internationale », insiste-t-elle.

En ramenant la pollution atmosphérique aux niveaux recommandés par l’OMS, par exemple, on réduirait de 80% le nombre total de décès dans le monde dus à la pollution atmosphérique, tout en diminuant considérablement les émissions de gaz à effet de serre qui alimentent le changement climatique.

De plus, « un passage à des régimes alimentaires plus nutritifs, à base de plantes pourrait réduire considérablement les émissions mondiales, garantir des systèmes alimentaires plus résilients et éviter jusqu’à 5,1 millions de décès par an liés à l’alimentation d’ici 2050 », a déclaré la Dre Maria Neira, Directrice du département Environnement, changement climatique et santé de l’OMS.

Qualité de vie bâloise dans une zone de rencontre à accès restreint (sans circulation motorisée) dans le Petit-Bâle

Recommandations de l’OMS pour le climat et la santé

Le rapport pour la COP26 comprend 10 recommandations qui soulignent la nécessité impérieuse et les nombreuses possibilités pour les gouvernements de faire de la santé et de l’équité des priorités dans les dispositifs internationaux de lutte contre les changements climatiques et dans le programme de développement durable.

  1. S’engager pour un relèvement sain. S’engager pour un relèvement sain, écologique et équitable après la COVID-19.
  2. Notre santé n’est pas négociable. Placer la santé et la justice sociale au cœur des négociations de l’ONU sur le climat.
  3. Exploiter les avantages de l’action climatique pour la santé. Donner la priorité aux mesures de lutte contre les changements climatiques qui ont les plus grandes retombées sur les plans sanitaire, social et économique.
  4. Renforcer la résistance des systèmes de santé aux risques climatiques. Mettre en place des systèmes et des établissements de santé résilients face aux changements climatiques et écologiquement durables, et contribuer à l’adaptation et la résilience en santé dans tous les secteurs.
  5. Créer des systèmes énergétiques qui protègent et améliorent le climat et la santé. Opérer une transition équitable et inclusive vers les énergies renouvelables pour éviter les décès dus à la pollution de l’air, en particulier à la combustion du charbon. Mettre fin à la précarité énergétique dans les ménages et les établissements de santé.
  6. Réinventer les environnements urbains, les transports et la mobilité. Promouvoir un urbanisme et des systèmes de transport durables et sains, qui font une meilleure utilisation des sols, donnent accès à des espaces publics verts et bleus, et privilégient la marche, le vélo et les transports publics.
  7. Protéger et réparer la nature, dont dépend notre santé. Protéger et restaurer les systèmes naturels, qui sont à la base même d’une vie saine, de systèmes alimentaires et de moyens de subsistance durables.
  8. Promouvoir des systèmes alimentaires sains, durables et résilients. Promouvoir une production alimentaire durable et résiliente de même qu’une alimentation nutritive et plus accessible économiquement qui ont une influence positive à la fois sur le climat et la santé.
  9. Financer un avenir plus sain, plus juste et plus écologique pour sauver des vies.Passer à une économie du bien-être.
  10. Écouter la communauté sanitaire et préconiser une action climatique urgente.Mobiliser la communauté sanitaire et la soutenir dans la lutte contre les changements climatiques.

Réimaginer les environnements urbains, les transports et la mobilité.

(extrait du rapport de l’OMS : the health argument for climat action

  1. Supprimer progressivement le moteur à combustion thermique
    Réduire l’utilisation de la voiture individuelle.
    Mettre fin à la vente de véhicules à essence et diesel
  2. Donner la priorité à la marche, au vélo et aux transports publics.
    Donner la priorité à la marche et au vélo en tant que modes de transport sains et à faible émission de carbone.
  3. Créer des villes centrées sur les personnes.
    Intégrer les considérations relatives à la santé, à l’équité et à la nature dans la planification urbaine et de la mobilité afin de créer des villes compactes et à l’épreuve du temps.

Lettre ouverte des personnels de santé mondiaux

Des médecins manifestent devant le siège de l’OMS à Genève pour alerter sur le dérèglement climatique, la dégradation de la biodiversité et leur impact sur la santé en mai 2021. Photo Journal horaire RTS

Lettre ouverte signée par plus des deux tiers du personnel de santé mondial

Le rapport de l’OMS est lancé en même temps qu’une lettre ouverte, signée par plus des deux tiers du personnel de santé mondial – 300 organisations représentant au moins 45 millions de médecins et de professionnels de la santé dans le monde.

La communauté sanitaire à travers le monde (300 organisations représentant au moins 45 millions de médecins et de professionnels de la santé) a signé une lettre ouverte aux dirigeants nationaux et aux délégations des pays qui participent à la COP26 les appelant à agir réellement pour faire face à la crise climatique.

Elle leur adresse les demandes suivantes :

  • « Nous appelons tous les pays à actualiser leurs engagements nationaux en matière de climat dans le cadre de l’Accord de Paris afin de s’engager, dans une mesure équitable, à limiter le réchauffement à 1,5 °C ; et nous leur demandons de tenir compte de la santé dans ces plans ;
  • Nous appelons tous les pays à assurer une transition rapide et juste vers l’abandon des combustibles fossiles, en supprimant d’abord immédiatement l’ensemble des autorisations, subventions et financements dont bénéficient les combustibles fossiles, et à réorienter complètement le financement actuel vers le développement de l’énergie propre ;
  • Nous appelons les pays à revenu élevé à réduire davantage leurs émissions de gaz à effet de serre, afin de parvenir à limiter la hausse de la température à 1,5 °C ;
  • Nous appelons les pays à revenu élevé à fournir également le transfert de fonds promis aux pays à revenu faible pour les aider à mettre en œuvre les mesures d’atténuation et d’adaptation nécessaires ;
  • Nous appelons les gouvernements à mettre en place des systèmes de santé durables, résilients au changement climatique et à faible empreinte carbone ; et
  • Nous appelons les gouvernements à veiller également à ce que les investissements en faveur du relèvement après la pandémie permettent de soutenir l’action climatique et de réduire les inégalités sociales et sanitaires. »

Sources:

Pour en savoir plus

The health argument for climat action OMS septembre 2021 COP26 special report