Des rues pour se rencontrer

De combien de personnes dans votre rue connaissez-vous le prénom ?

Si vous habitez dans une zone de rencontre, il y a des chances que vous connaissiez davantage de personnes près de chez vous qu’en habitant une autre rue. La contribution des zones de rencontre à l’intégration dans un quartier est établie. À une époque où le lien social constitue un élément clé face à divers enjeux de société, renforcer les contacts de voisinage et le sentiment d’appartenance à son environnement quotidien revêt une im- portance évidente.

Mais qu’est-ce qu’une zone de rencontre et surtout, à quoi ça sert ? En limitant la vitesse à 20 km/h pour les véhicules motorisés et en renversant le rapport habituel entre les modes de transport, c’est-à-dire en donnant la priorité aux personnes à pied, l’objectif premier est de permettre de se rencontrer dans la rue. Au côté d’autres mesures d’aménagement et de gestion urbaine, il s’agit d’un levier pour augmenter la qualité de vie et le bien-être dans les villes et les villages.

20 ans d’application des zones de rencontre ont donné lieu à de nombreuses réalisations. Si le principe est simple, la recette miracle n’existe pas et les villes et communes expérimentent continuellement de nouvelles interprétations de ce concept. Le vingtième anniversaire de la zone de rencontre est un bon prétexte pour faire le bilan du chemin parcouru et appeler à la créativité des cantons, des communes et de la population pour que les rues invitent toujours plus à marcher et à se rencontrer.

Marionna Schlatter, présidente de Mobilité piétonne Suisse

Table des matières

Préambule

  1. |Introduction
    1.  Histoire
    2.  Situation en 2022
    3.  Un espace pour les usages les plus divers
      1. Zone commerciale de centre-ville
      2. École
      3. Quartier résidentiel
      4. Vieille-ville
      5. Place de gare
  2. Potentiel
    1. Créer une plus-value
    2. La zone de rencontre – un outil d’urbanisme
    3. À un pas de la zone piétonne
    4. L’opportunité de participer
  3.  Défi
    1. Cohabitation avec les bus
    2. Cohabitation avec un fort trafic
    3. Axes forts vélo et zones de rencontre ?
    4. Dans la rue comme chez soi
    5. Utiliser l’espace sur un pied d’égalité
    6. Besoins de recherche
    7. Inspiration de l’étrange

Épilogue

Ville de Berne : Zone de rencontre étendue à accès restreint du Marzilii, en contrebas du Paialis fédéral (Rue de l’Avenir)

Créer une plus-value

Les zones de rencontre situées à l’intérieur des secteurs commerciaux ont un grand potentiel pour offrir aux commerces un contexte économique favorable. Les nombreuses personnes qui passent contemplent les vitrines et entrent dans les magasins, parfois de façon spontanée. Tout en flânant, la clientèle découvre des offres inattendues et vit une expérience agréable. Les commerces craignent cependant souvent une baisse de leur chiffre d’affaires si la clientèle motorisée doit se garer plus loin. Quelles sont les données disponibles à ce sujet ?

Peu d’études se penchent systématiquement sur les effets économiques des mesures de modération de la circulation en général et des zones de rencontre en particulier. Ci-des- sous un résumé des effets économiques de ce genre de mesures dans les secteurs commerciaux :

  • La plupart des cas font état d’impacts positifs mesurés en termes de fréquentation, de satisfaction de la clientèle et des entreprises, d’évolution du chiffre d’affaires, de conséquence sur l’emploi, etc. L’ordre de grandeur de ces effets positifs varie toutefois en fonction de la région, du contexte local ou encore de la période d’observation.
  • En milieu urbain, la plus grande partie du chiffre d’affaires est générée par la clientèle se déplaçant à pied, à vélo ou en transports publics. Les automobilistes dépensent certes un montant plus important par trajet que les personnes à pied ou à vélo, mais sur une période plus longue, la clientèle à pied ou en transports publics dépense sensiblement plus d’argent en raison de sa fréquence d’achat plus élevée.
  • Les commerces sous-estiment systématiquement la part de la clientèle qui se déplace à pied, à vélo ou en transports publics.
  • Il n’est pas possible d’établir une corrélation entre la suppression des places de stationnement et la baisse du chiffre d’affaires des commerces et des restaurants.Une étude (Bruns  Buser SVI 2019) récente a par ailleurs examiné les conséquences des rues à circulation modérée sur l’emploi. Elle démontre que les zones de rencontre et, plus nettement, les zones piétonnes ont un impact clairement positif sur l’emploi, alors que la situation dans les zones 30 reste inchangée.
    Ce sont surtout les branches à forte fréquentation que sont le commerce de détail et l’artisanat qui en profitent, tandis que le nombre d’emplois dans l’industrie, qui était de toute façon déjà faible à ces endroits, a encore perdu de son importance.

Vienne : zone de rencontre Mariahilfer. Énorme succès, les samedis on y compte jusqu’à 70 000 piétons (Rue de l’Avenir)

La zone de rencontre – un outil d’urbanisme

« Comment améliorer la qualité de vie en ville ? » La zone de rencontre est un outil parmi d’autres pour répondre à cette question. Plusieurs villes se sont dotées d’une vision d’ensemble pour guider leur choix dans la riche palette de mesures envisageables. Car toutes n’ont pas le même coût ni les mêmes implications formelles.

Si ailleurs « le 30 est le nouveau 50 », à Berne le « 20 est le nouveau 30″. Dans son concept de développement urbain (STEK 2016), la capitale remplace en effet le modèle 30/50 (quartiers à 30km/h, axes principaux à 50) par un modèle 20/30.
La zone de rencontre devrait donc devenir la règle partout où la vie de quartier prime.

La contribution des zones de rencontre au lien social est avérée. L’étude du Pro- gramme national de recherche 51 (Sauter/Hüttenmoser 2006) à Bâle a démontré qu’alors que le gain pour la qualité de vie est faible lors du passage d’une rue à 50 à une zone 30, le saut qualitatif est significatif lors du passage en zone de rencontre (ou piétonne) ; plus de contacts de voisinage notamment avec le côté opposé de la rue. De même on y séjourne et discute plus souvent, et le sentiment d’appartenance et de bien-être y est plus prononcé.

Modèle 20/30

Certaines villes ont développé des stratégies de déploiement des zones de rencontre. Si ailleurs « le 30 est le nouveau 50 », à Berne le 20 est « le nouveau 30 ». Dans son concept de développement urbain (STEK 2016), la capitale remplace en effet le modèle 30/50 (quartiers à 30km/h, axes principaux à 50) par un modèle 20/30. La zone de rencontre devrait donc devenir la règle partout où la vie de quartier prime.

Ville de Berne : modèle 20/30

Au lieu de tronçons isolés, Berne inaugure progressivement des zones de rencontre étendues sur plusieurs rues (Burgfeld, Breitfeld, Obstberg). Pour y parvenir dans un temps court, l’équipement des zones (marquage et mobilier) est standardisé et une zone tampon à 30km/h sur le pourtour est exigée. L’entretien et les coûts de ces aménagements sur le long terme doivent être pensés dès le début des projets.

Le cas de Pontevedra, star mondiale du concept, a déjà concrétisé cette vision. La ville de Galice au nord-ouest de l’Espagne a mis en œuvre d’un seul coup son concept urbain il y a 20 ans. Le centre-ville piéton est entouré d’une vaste zone de rencontre. Aujourd’hui témoigne le maire « il y a des jeunes de 20 ans qui ne sont pas prêts à renoncer à la qualité de vie qu’ils ont toujours connue.» Il est d’ailleurs prévu de passer toutes les voiries rurales en zone de rencontre ces prochaines années. Un modèle que rien n’empêche d’être transposé ailleurs, affirme le maire Miguel Anxo Fernándes Lores.

Source :

Zones de rencontre : tendances et défis 20 ans après OFROU Office fédéral des routes et Mobilité piétonne Suisse 38 pages 2022 Zones de rencontre Tendances et défis 20 ans après OFROU