La notion de « communs » traduit un intérêt croissant de la société civile pour produire, gérer et partager des ressources matérielles et immatérielles de façon collaborative et ouverte. Comment ces nouvelles façons de faire en commun s’inscrivent-elles dans les territoires et contribuent-elles à les redéfinir ? Sont-elles susceptibles de renouveler la production de la ville et d’accéder au rang d’un nouveau « droit de cité » ?

Histoire et définition

Les communs existaient au Moyen Âge dans les campagnes, où l’organisation des usages du sol primait sur la question de la propriété via les droits de pacage (action de faire paître le bétail sur des terrains en friche ou dans les forêts) ou de glanage. Selon la saison et les besoins des agriculteurs et éleveurs, les règles d’usage des espaces communs différaient. En France, les biens de section dans les communes sont l’héritage de ces pratiques. La juriste Sara Von Huxem signale ainsi que même dans le cadre juridique français existant, mais en déshérence, la question de droits d’usage simultané sur une même propriété est possible à travers les « biens de section ». Ils consistent en des pâturages, forêts ou champs, en des droits d’usage, par exemple de chasse ou de cueillette. Il peut également s’agir d’un moulin, d’une fontaine, d’un four à pain, voire de matériel agricole. C’est l’article 2411-1 du code général des collectivités territoriales qui définit les biens de section.

Ces pratiques vont ensuite décliner au cours des siècles avec le mouvement des enclosures (les seigneurs propriétaires exploitent alors ces terres sans les partager), avant de refaire surface récemment via plusieurs phénomènes. (…)

Communs urbains et aménagement du territoire

La particularité des communs urbains est de se déployer dans des milieux où les ressources sont très souvent en tension : prix du foncier et de l’immobilier élevés, concurrence des usages, densité d’habitants et d’usagers, etc. Ils peuvent donc apporter une réponse locale à plusieurs problématiques urbaines contemporaines : faciliter l’accès au foncier et à l’immobilier, favoriser une production urbaine partagée, promouvoir une gestion commune de ressources à préserver (foncier fertile, espaces de biodiversité, espaces ouverts, etc.), proposer les modalités de la transition écologique et renforcer le lien social par une action collective des citoyens et citoyennes. L’IAU présente six exemples dans sa note raide. (…)

La charte communale à Bologne

Arcade à Bologne Émilie-Romagne. Bologne compte 42 km d’arcades

L’article 118, ajouté en 2001 à la constitution italienne (révision constitutionnelle du 18 octobre 2001) a été la base pour le développement des communs en Italie : « L’État, les régions, les villes métropolitaines, les provinces et les communes encouragent l’initiative autonome des citoyens, agissant individuellement ou en tant que membre d’une association, pour l’exercice de toute activité d’intérêt général, sur la base du principe de subsidiarité. »

À Bologne, territoire de plus d’un million d’habitants, le conseil municipal a approuvé en 2014 un « règlement pour l’administration partagée des communs urbains », basé sur le principe de subsidiarité, avec les objectifs suivants :

  • favoriser la collaboration civique et l’initiative autonome des citoyens, individuels ou associés, pour des activités d’intérêt général ;
  • faire évoluer le fonctionnement de l’administration pour susciter cette nouvelle relation collaborative, et en définir les procédures (instruction des propositions, gestion de la mise en place). (…)

Le plan de transition des communs à Gand

Images du centre historique de Gand (Genk) en Flandre orientale

En 2017, la ville de Gand (300 000 habitants) a commandé un plan de transition vers les communs à l’économiste belge Michel Bauwens, fondateur de la P2P Fondation, en collaboration avec Yurek Onzia (coordinateur du projet) et Vasilis Niaros (chercheur et universitaire grec).
Dans ce rapport de commande, 480 communs ont été identifiés, analysés, et les auteurs ont rédigé 23 propositions pour que la commune devienne une ville partenaire des communs. Parmi ces propositions :

  • créer un laboratoire des communs urbain pour soutenir les expérimentations, développer des outils de contractualisation et des outils juridiques, mobiliser des financements ;
  • créer une banque locale pour les communs ;
  • passer des occupations temporaires à des communs permanents grâce à du portage foncier et un mécanisme d’enregistrement des communs (reconnus comme tels), car le manque d’espace ralentit le développement de communs ;
  • inventer de nouvelles métriques pour évaluer les impacts sociaux et environnementaux des communs (afin de les comparer aux autres façons de produire ces services) ;
  • lancer des appels à communs, qui considérerait comme critère central de choix du porteur de projet, non pas le prix ou l’innovation, mais la capacité à proposer des solutions complémentaires, partagées en open source, multipartenariales, pour favoriser la plus grande participation possible. (…)

Les communs urbains sont des initiatives locales et citoyennes pouvant ainsi inclure une multitude d’acteurs différents dans des gouvernances ouvertes et inventives. Plus que la nature de la ressource, c’est la façon de la gérer qui importe. Les communs urbains viennent se loger dans les interstices entre politiques publiques et logiques économiques de marché, là où certains besoins sociaux ne sont pas ou mal satisfaits.

Source :

Note rapide de ‘Institut Paris région anciennement l’IAU Institut d’aménagement et d’urbanisme de l’Île de France 2019 :  Les communs urbains
Les extraits ci-dessus sont tirés de la note rapide

Pour aller plus loin

Réseau francophone des communs

Le dossier sur le site de Métropolique

Au sommaire du dossier :