Dix fois plus de cyclistes en quatre ans
On demande souvent aux Néerlandais : quelle preuve scientifique existe-t-il qu’un réseau cyclable solide conduit à une utilisation accrue et surtout plus sûre du vélo ?
Aux Pays-Bas, il est difficile de répondre à cette question en raison de l’absence d’une « situation zéro » claire ; Les infrastructures cyclables existent depuis longtemps sous une forme ou une autre et la culture cycliste est profondément enracinée.
Cependant, la ville de Séville, en Andalousie, constitue une étude de cas intéressante, car elle est passée d’une activité cycliste minime au début du 21ᵉ siècle à un climat cycliste dynamique aujourd’hui.
Plongeons dans l’histoire de la réussite de Séville et découvrons si la ville peut avoir des leçons précieuses pour le reste du monde.
Reportage de Bicycle Dutch à Séville en janvier 2024
En 2006, Séville ne disposait que de 12 km de pistes cyclables séparées , avec une faible part modale du vélo de 0,5 %. Les défenseurs des infrastructures cyclables faisaient pression en faveur du changement depuis 1992, et leurs projets ont pris de l’ampleur lorsque le parti politique de la Gauche unie (UI) les a adoptés.
Le succès électoral de l’UI en 2003 a conduit à une coalition avec les socialistes, consolidant ainsi les projets cyclistes dans la gouvernance de la ville.
José García Cebrián, responsable de l’urbanisme de Séville et lui-même cycliste de longue date, a été chargé de ce projet ambitieux. Il a imaginé un réseau de pistes cyclables protégées, physiquement séparées de la circulation automobile, pour rendre le vélo accessible à tous les âges et à des vitesses lentes, même avec des vêtements de tous les jours. Ce qui distingue Séville, c’est son engagement à réaliser d’un seul coup un réseau cyclable de 80 km, la majeure partie de l’espace requis étant réaffectée de la circulation automobile.
Même si la planification initiale n’a rencontré que peu d’opposition, des défis sont survenus pendant la construction. Comme l’explique Cebrián, le manque de résistance lors de la planification était typique en Espagne, où les plans cyclables restaient souvent sur papier. La véritable opposition est apparue durant la construction, mais à ce moment-là, la ville s’était engagée dans la transformation. ( Le Guardian , 2015)
Les 77 premiers kilomètres d’infrastructures cyclables protégées, concentrées autour du centre-ville, ont été achevés en moins de deux ans (2006-2007). En 2011, le réseau s’était étendu à 164 km, soit 12 % de la longueur totale des routes de la ville. Actuellement (2024), le réseau s’étend sur plus de 180 km, reliant des destinations clés aux zones résidentielles.
Le succès immédiat s’est manifesté par l’augmentation du nombre de cyclistes quotidiens, passant de 6 000 à plus de 70 000. Une enquête de 2014 a souligné que 6 % de tous les déplacements et 9 % des déplacements autres que les déplacements domicile-travail étaient effectués à vélo. Les pistes cyclables présentaient un avantage supplémentaire : elles pouvaient également être utilisées par des utilisateurs de fauteuils roulants, ce qui rendait soudainement une grande partie de la ville plus accessible.
Malgré les changements dans l’administration et les politiques de la ville, l’engagement de Séville en faveur des infrastructures cyclables est resté inébranlable . Entre 2006 et 2011, la ville de Séville a investi 32 millions d’euros dans le nouveau réseau cyclable. Une recherche menée par l’Université de Séville en 2015 a démontré sa rentabilité. Les coûts de construction ont été estimés à 0,27 million d’euros par km, avec des coûts d’entretien annuels allant de 250 000 à 350 000 euros. En 2011, le réseau effectuait environ 70 000 déplacements par jour. À titre de comparaison : la première ligne du métro métropolitain (18 km) a coûté à la ville approximativement 35,2 millions d’euros par km. Ce mode effectuait approximativement 53 000 trajets quotidiens. Les 21,5 km d’autoroutes métropolitaines en construction disposaient d’un budget de 30,8 millions d’euros par km, avec un trafic moyen attendu de 50 000 véhicules par jour.
En janvier 2024, les chiffres pour 2023 ont été annoncés . Les pistes cyclables de Séville sont désormais utilisées pour 111 125 déplacements par jour, mais cela inclut les déplacements en trottinettes électriques. Si l’on ne compte que les vélos, ils représentent à nouveau 70 000 déplacements quotidiens, ce qui signifie que les chiffres reviennent aux niveaux d’avant Covid de 2019.
Le succès de la transformation du cyclisme à Séville réside dans un modèle privilégiant non seulement la sécurité, mais aussi la facilité et le confort pour tous. Basée sur les meilleures pratiques néerlandaises, allemandes et danoises, la conception du réseau met l’accent sur la continuité, la cohésion, la franchise, la visibilité et le confort. La construction de chemins bidirectionnels et la construction rapide étaient des choix délibérés contribuant au succès global.
En conclusion, l’expérience de Séville de 2006 à 2011 illustre que le développement rapide d’un réseau cyclable séparé peut être un puissant catalyseur pour intégrer le vélo dans la mobilité urbaine.
Rendre le vélo facile et confortable pour tous, associé à des mesures supplémentaires, fait du vélo un élément crucial du transport urbain.
Séville constitue un exemple inspirant pour les villes du monde entier qui cherchent à améliorer la mobilité urbaine durable.
Bicycle DutchUn portrait du cyclisme à Séville que j’ai pu filmer lors d’une visite de la ville en janvier 2024.
Source :
Mark Wagenbuur, responsable du site Bicycle Dutch, met toute sa production en accès libre (creative commons)
Pour aller plus loin
- Galerie de 48 photos – gratuites, en haute résolution et libres de droit => sur le site photos de RdA
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Comment Séville a un créé son réseau cyclable en un seul chantier => sur le site de RdA