Accidents de piétons et de cyclistes : blâmer les victimes

Coup de gueule de Carfree France

Le journal Libération a exploré un an de tweets et retweets du compte officiel de la Délégation à la sécurité routière (française), ainsi que les messages et vidéos ainsi relayés. Le résultat est édifiant, dans la plupart des cas il est demandé aux piétons et cyclistes d’assurer eux-mêmes leur protection alors que les automobilistes, pourtant responsables de la grande majorité des accidents impliquant des usagers dits «vulnérables» (piétons, cyclistes, trottinettes), sont peu mis face à leurs responsabilités.

Libération a réalisé dans le cadre de sa rubrique « datamalin » une analyse de données qui fait « parler » un fait bien connu des piétons et des cyclistes: les discours officiels font porter sur leurs épaules la responsabilité de leur propre sécurité alors que ce sont pourtant les motorisés qui sont la plupart du temps responsables des accidents impliquant les piétons et les cyclistes…

La Sécurité routière française pratique le blâme des victimes à l’encontre des usagers vulnérables

Sur 96 publications sur Twitter de la Délégation à la sécurité routière concernant la sécurité des usagers vulnérables, 57 demandent à ces derniers de prendre des mesures pour assurer leur propre sécurité, 32 sont plutôt neutres, et seulement 7 s’adressent aux conducteurs de véhicules motorisés pour leur demander d’adapter leur comportement.

En psychologie sociale, la faute de la victime ou blâmer la victime concerne une ou plusieurs victimes d’un crime, d’un accident ou d’autres types d’incidents entièrement ou partiellement tenues pour responsables de ce qu’elles ont subi, et donc on les rend responsables de ce qui leur arrive. Le déni de la victime (le report de la faute sur la victime) est l’une des méthodes classiques de la neutralisation de la culpabilité identifiée par la psychologie comportementale et la sociopsychologie de la délinquance.

En simplifiant, on rend responsables les victimes vulnérables d’accidents pour éviter d’avoir à poser la question de la responsabilité réelle des accidents, à savoir les automobilistes, ce qui permet d’éviter de reconnaître leur culpabilité et les risques qu’ils font encourir aux autres usagers. L’exemple classique est le casque vélo: ce sont les automobilistes qui en roulant trop vite ou en ne respectant pas la distance de sécurité mettent en danger les cyclistes et c’est pourtant aux cyclistes qu’on demande de faire attention et de mettre un casque vélo qui ne les protège pas vraiment face à un monstre d’acier de plus d’une tonne souvent à plus de 50 km/heure…

Comment faire pour tuer sans aller en prison

C’est aussi pour cela qu’en matière de sécurité routière déclare Carfree France, on peut impunément continuer à tuer sans aller en prison

De ce fait, la question qui se pose est: à quoi sert la Délégation à la sécurité routière si ce n’est maintenir le régime de terreur motorisé piloté par les automobilistes et les motards? La Délégation à la sécurité routière n’est donc qu’une émanation de plus de la violence motorisée.

En une année de tweets et retweets, cette délégation à la sécurité routière ne rappelle quasiment jamais aux automobilistes l’obligation de s’arrêter pour laisser passer les piétons, la distance de sécurité réglementaire en cas de dépassement de cycliste, la nécessité d’adapter la vitesse en ville ou de respecter la limite des 30 km/h, de plus en plus adoptée dans les grandes villes de France.

Pire, ce compte officiel de la Délégation à la sécurité routière passe une partie de son temps à faire la promotion des messages de l’association Prévention routière, une association en très grande partie financée par les assurances automobiles… ou tout simplement à cirer les pompes de l’industrie automobile!

La « sécurité routière » n’a donc pas pour objectif réel d’améliorer la sécurité routière nous dit Carfree France, mais seulement de mettre le couvercle sur la responsabilité réelle de l’insécurité routière, à savoir les automobilistes qui utilisent des voitures dont la vente est vitale pour les profits de l’industrie automobile…

Le 30 km/h oublié*

En outre, le compte de la sécurité routière ne fait référence qu’une seule fois, à titre général, à la nécessité de respecter la limite des 30 km/h, de plus en plus adoptée dans les grandes villes de France et d’Europe, et notamment à Paris depuis le 30 août. Il s’agit pourtant d’une des mesures qui, si elle est respectée, aurait le plus fort impact vis-à-vis de la mortalité des piétons : à 30 km/h la collision est cinq fois moins mortelle qu’à 50.

NDLR : En Suisse il n’y a pas d’office de la sécurité des déplacements. Elle est déléguée aux ONG telles le bpa, l’ATE ou le TCS qui mènent des campagnes nationales, en grande partie financée par le Fonds de sécurité routière.

Sources: Carfree France – la vie sans voiture pour le texte et le dessin et  *Libération. Le 2e dessin est tiré d’une campagne de la Délégation (française) à la sécurité routière