Le Réseau Action Climat et UNICEF France publient un rapport sur l’impact de la pauvreté sur l’exposition et la vulnérabilité des enfants à la pollution de l’air extérieur. Un cri d’alarme pour mieux les protéger et faire de la lutte contre la pollution de l’air un levier au service du combat contre les inégalités sociales.

Pollution automobile Image Ademe

*En France, plus de trois enfants sur quatre respirent un air pollué

Ce chiffre s’explique par une exposition plus importante à la pollution atmosphérique dans les villes, où vivent la plupart des enfants. Le transport routier est l’une des principales sources de pollution atmosphérique (63% pour les oxydes d’azote). Les enfants sont particulièrement vulnérables en raison de l’immaturité de leurs organismes et de la fréquence à laquelle ils respirent, susceptibles d’entraîner de nombreuses pathologies (asthme, allergies…).

Les enfants pauvres plus vulnérables à la pollution de l’air

Dessin de Tommy Dessine extrait de la synthèse

Les enfants ne représentent pas une catégorie homogène et uniforme. Certains facteurs, tels que la pauvreté, sont particulièrement fragilisants. Ainsi, les populations pauvres peuvent plus difficilement se soustraire à des conditions de vie défavorables faute de ressources suffisantes, elles sont donc davantage susceptibles de cumuler plusieurs expositions néfastes (qualité de l’air intérieur dégradée, plus forte exposition au bruit, à la chaleur, etc.). La plupart des études montrent aussi que les zones socio-économiquement défavorisées disposent de moins d’espaces verts, de parcs, d’aires de jeux et de loisirs, ou d’autres ressources susceptibles de contrebalancer des conditions de vie moins favorables.

Ce cumul des expositions néfastes a des conséquences directes sur la vulnérabilité des enfants et peut entraîner diverses pathologies. Une étude française a ainsi montré qu’à Paris, bien que l’ensemble des quartiers soient exposés à la pollution de l’air, les habitants les plus pauvres risquent trois fois plus de mourir d’un épisode de pollution que les habitants les plus riches.

Pour Jodie Soret d’UNICEF France :

“.Les enfants pauvres sont ainsi victimes d’une double peine. Ils sot plus vulnérables à la pollution d l’air en tant qu’enfant et cette vulnérabilité est exacerbée par leur statut social-économique et celui de leur parents”

Peu de politiques publiques s’attaquent à cette double peine

Pour Valentin Desfontaines du Réseau Action Climat :

“ Les politiques de lutte contre la pollution de l’air poursuivent avant tout un objectif sanitaire de diminution des concentrations de polluants atmosphériques. Pourtant, elles ont aussi de multiples impacts qui dépassent le seul champ sanitaire et qui sont encore peu documenté et intégrés à la prise de décision. La distribution des bénéfices sanitaires de ces politiques en fonction de la catégorie socio-économique et de l’âge est par exemple très peu considérée.”

Faire de la lutte contre la pollution d’air un levier au service du combat contre les inégalités sociales

Face à ce constat, le Réseau Action Climat et UNICEF France proposent plusieurs solutions afin que les politiques de lutte contre la pollution de l’air ne contribuent pas involontairement à creuser les inégalités sociales, en particulier à l’encontre des enfants pauvres.

Les recommandations de Réseau Action Climat et de Unicef France

  • Renforcer la prise en compte des enjeux sociaux dans l’élaboration des politiques de lutte contre la pollution de l’air : notamment dans les études d’impact et généraliser les évaluations ex post des impacts sociaux ; etc.
  • Appliquer les exigences de justice sociale aux mesures de réduction de la circulation routière : s’assurer que les bénéfices sanitaires des zones à faibles émissions (ZFE) profitent à tous ; faire bénéficier en priorité les écoles les plus exposées et les enfants les plus vulnérables des aménagements tels que les rues scolaires ; etc.
  • Accompagner socialement les changements de mobilité : investir dans l’offre de transport en commun ; renforcer l’accompagnement et le conseil en mobilité ; limiter au maximum le reste à charge pour les ménages les plus modestes devant s’équiper d’un nouveau véhicule faiblement émetteur ; etc.
  • Mieux protéger la santé des plus jeunes en renforçant les exigences applicables aux établissements recevant des enfants : s’assurer que les nouvelles constructions soient à distance des sources d’émission de polluants atmosphériques ; etc.
  • Améliorer la prise en compte des enfants dans l’élaboration des politiques de santé environnementale(…)

Enfants et pollution de l’air : « Les plus aisés s’en sortiront, pas les pauvres »**

Enquête de Reporterre, le quotidien de l’écologie (extraits)

(…) Les deux organisations montrent qu’en France, plus de 3 enfants sur 4 respirent un air pollué, en particulier à cause du trafic routier, responsable en moyenne de 63 % des émissions d’oxydes d’azote (NOx) et de 18 % des émissions de particules fines (PM2.5). Or, « leur jeune âge implique que leurs défenses naturelles sont moins développées, avec des barrières protectrices vis-à-vis de l’environnement plus perméables et un système immunitaire encore immature », dit à Reporterre Séverine Deguen, enseignante-chercheuse en biostatistiques et épidémiologie environnementale à l’EHESP, l’une des autrices du rapport. (…)

 

Dans le cas du groupe scolaire Pleyel-Anatole France situé à Saint-Denis (proche  d’un échangeur autoroutier en construction , censé desservir le futur « Village des athlètes », qui concourront lors des Jeux olympiques de 2024, à Paris), l’une des communes les plus pauvres de France [1], « les familles les plus aisées s’en sortiront, certaines partent déjà ou se tournent vers le privé, mais quid des plus pauvres, celles qui ne pourront pas faire autrement ? »questionne Hamid Ouïdir. Et d’ajouter : « Elles sont condamnées à conduire chaque matin leur enfant dans un endroit où ils perdront la santé. »

« Ça me rend malade, dit Jessica, qui porte son fils Eddy, 3 ans, dans ses bras. On se bat pour offrir une vie saine à nos enfants, on n’achète que du bio pour eux alors qu’on n’a pas les moyens de le faire pour nous. On n’a aucune envie de voir nos efforts ruinés par le trafic routier. » Cette aide-soignante de 35 ans, qui habite à 200 mètres de l’école, espère « trouver un moyen de ne plus être là » quand l’échangeur sera actif. (…)

Depuis le groupe scolaire Pleyel-Anatole France, Hamid Ouïdir, lui, estime qu’il faudrait « interdire de construire un établissement scolaire public ou privé à proximité immédiate d’un axe à fort trafic et inversement ».

Pour  lire le reportage en entier dans Reporterre

À Londres : la pollution atmosphérique est à l’origine de la mort d’une fillette, selon la Justice dans une affaire qui fera date ***

Le coroner (Officier public possédant des pouvoirs judiciaires, chargé de faire enquête et rapport dans les cas de mort violente ou dont la cause est inconnue). estime que l’incapacité à réduire les niveaux de pollution aux limites légales a été un facteur déterminant dans la mort d’Ella Kissi-Debrah 9 ans, qui souffrait d’asthme sévère.

Philip Barlow, le coroner du sud de Londres, a déclaré que le décès d’Ella Kissi-Debrah en février 2013 avait été causé par une insuffisance respiratoire aiguë, un asthme sévère et une exposition à la pollution atmosphérique.

Il a déclaré qu’elle avait été exposée à une pollution au dioxyde d’azote et aux particules (PM) supérieure aux directives de l’Organisation mondiale de la santé, dont la principale source était les émissions de la circulation.

Le coroner a déclaré que le fait de ne pas avoir réduit les niveaux de pollution aux limites légales a peut-être contribué à son décès, tout comme le fait de ne pas avoir fourni à sa mère des informations sur le potentiel de la pollution atmosphérique à exacerber l’asthme.

Infographie OMS

Le Royaume-Uni refuse de s’engager à abaisser immédiatement les limites de la pollution atmosphérique****

Photo d’Ella fournie aux médias par la famille

Le gouvernement est accusé de ne pas avoir tenu compte des propos du coroner concernant la mort d’Ella Kissi-Debrah, âgée de 9 ans

Ella Kissi-Debrah a été la première personne au Royaume-Uni à voir la pollution atmosphérique citée comme cause de son décès dans une décision historique rendue par un coroner plus tôt cette année.

L’écolière est décédée après une crise d’asthme, suite à de multiples crises et hospitalisations. Son décès a suscité des appels en faveur de l’abaissement immédiat des niveaux légaux de pollution atmosphérique afin de les aligner sur ceux recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Selon l’OMS, la pollution par les particules fines PM2,5 ne doit pas dépasser une moyenne annuelle de 10 μg/m3. Pour les PM10, la limite est de 20 µg/m3 en moyenne annuelle, mais le Royaume-Uni a actuellement des limites plus élevées pour les particules fines : 40 µg/m3 de moyenne annuelle pour les PM10 et 25 µg/m3 pour les PM2,5.

Normes OMS à la baisse

Le 22 septembre 2021, de nouvelles recommandations sanitaires ont été établies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a durci ses recommandations de seuils de référence, abaissées drastiquement par rapport à 2005 :

  • division par 2 pour les particules fines (PM2,5) ;
  • division par 4 pour le dioxyde d’azote (NO2).

Ces valeurs serviront de base à la révision en cours de la directive européenne sur la qualité de l’air ambiant. Un durcissement de la réglementation européenne et française est donc attendu à l’horizon de 2-3 ans nous dit le Cerema.

Voir Pollution de l’air : nouvelles normes de l’OMS » de septembre,bre 2021

Sources :

Pour aller plus loin

« De l’injustice sociale dans l’air : pauvreté des enfants et pollution de l’air », Réseau Action Climat et UNICEF France, octobre 2021.

Et en Suisse…

En 2019, 8,7% de la population suisse ou quelque 735’000 personnes étaient touchées par la pauvreté en termes de revenu nous indique l’OFS.

L’OST (Observatoire statistique transfrontalier) indiquait qu’en 2010, la part de la population vivant en Suisse et se situant en dessous du seuil du risque de pauvreté s’élève à 15,0 %. En comparaison internationale, cette proportion est légèrement en dessous de la moyenne des 27 pays de l’Union européenne (16,4 %), mais plus élevée qu’en France (13,3 %).
En ne considérant que les personnes actives occupées, le taux de risque de pauvreté s’élève à 7,7 % en Suisse, contre 6,2 % en France. Ces deux taux se situent en dessous de la moyenne de l’Union européenne (8,4 %)

 

Carte du Grand Genève (2013) qui montre les poches de précarité en rouge foncé (très forte présence) en rouge et jaune foncé. Côté genevois on distingue Le lignon (Vernier), Meyrin. La Jonction, les Acacias et Sécheron en ville de Genève.
Côté français il y a des poches de précarité à Annemasse, St Julien-en-Genevois, Fereny-Voltaire, Bellegarde et Thonon-les-Bains.
Le vert indique les communes et quartiers en dessous de la moyenne du Grand Genève.Le jaune clair les quartiers/communes dans la moyenne.

Le rapport de l’Observatoire statistique transfrontalier de 2013 (dernier paru) Précarité dans le Grand Genève Fiche_1_2013

Sources :