Le Mondial de l’Auto 2022 a fermé ses portes ce dimanche 23 octobre 2022  en plein milieu de débats croissants sur la légitimité de l’usage de jets privés ou des SUV.

Plutôt que de s’enthousiasmer du spectacle des « innovations françaises, européennes et mondiales qui dessinent une nouvelle ère de progrès et de passion », nous en appelons à une remise en question du « tout voiture ». En effet, considérant que notre dépendance collective à la voiture n’est ni souhaitable ni durable, nous réclamons le droit de se déplacer sans voiture.

Une tribune collective publiée dans Le Monde le 20 octobre 2022 par le collectif Autos-Stop, le Forum Vies Mobiles, les Amis de la Terre, Résistance à l’Agression Publicitaire et L’heureux Cyclage

Disque en polystyrène, normé, indiquant qu’il est interdit de stationner avec un enlèvement demandé sur le site de BHV Marais

Ce n’est pas au Mondial de l’Auto que doit se décider l’avenir de nos mobilités !

Une majorité de la population est contrainte d’utiliser la voiture tous les jours, que ce soit pour se rendre sur le lieu de travail, faire les courses, emmener les enfants au sport, ou pour accéder à la gare la plus proche. L’idée que « la voiture, c’est la liberté » 1 semble être gravée dans le marbre, ça n’est pas tout à fait vrai : le développement de l’automobile a créé une dépendance généralisée.

Nous sommes coincés dans le système « tout voiture » alors que les dommages qu’il cause sont aujourd’hui bien documentés :

  • Sur les plans de la sécurité et de la santé publique, la voiture est à l’origine de la majorité des 3000 décès par accident de la route chaque année en France, sans compter les pathologies causées par la sédentarité qu’elle induit (maladies cardiovasculaires, diabète de type 2, hypertension, insuffisance cardiaque…). La pollution atmosphérique qu’elle engendre fait davantage de victimes encore, auxquelles il faut ajouter celles liées à la pollution sonore.
  • Sur le plan économique, la voiture coûte cher, à la société et aux automobilistes. Ce sont nos impôts qui financent la prévention routière, la prise en charge médicale des victimes d’accidents de la route, la construction et l’entretien des chaussées et parkings. En plus de cette charge collective, la voiture a de nombreux coûts pris en charge individuellement : payer le carburant, l’entretien, l’assurance et le contrôle technique de la voiture. La fluctuation de ces coûts touche durement les ménages les plus modestes lorsqu’ils sont dépendants de la voiture au quotidien.
  • Du point de vue environnemental, la voiture cause de multiples pollutions. Toutes les étapes du cycle de vie d’une voiture, de sa conception à sa mise au rebut, émettent des gaz à effet de serre. En particulier, la seule phase d’usage des voitures représente 16 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Il faut ajouter à cela la consommation de ressources (pétrole, biomasse pour les agrocarburants, métaux rares, matériaux, fabrication). Par ailleurs, le système « tout-voiture » est en partie responsable de l’artificialisation des sols, en conditionnant l’accès aux logements individuels et zones commerciales à la possession d’une voiture. Enfin, il y a les centaines de milliers d’animaux sauvages tués chaque année sur les routes de France, et dont les habitats sont fragmentés, quand ils ne sont pas tout simplement détruits par de nouveaux tronçons de routes.

C’est pourquoi nous ne nous réjouissons pas de la promesse d’une arrivée massive de voitures “propres” sur le marché, car ce dont nous avons besoin, c’est de mettre fin à notre dépendance collective à la voiture.

Des millions de personnes ont déjà envie de recourir à des mobilités alternatives mais restent largement contraintes dans leurs choix. La voiture est souvent le seul mode possible, quand rouler à vélo est trop risqué pour notre sécurité et qu’aucun train ou cars ne dessert notre destination. Nous pensons que les personnes qui veulent changer cet état de fait ont intérêt à unir leurs forces, plutôt qu’à faire face seules à ces contraintes du quotidien.

Ce ne sont pas aux acteurs de la filière automobile de dicter l‘avenir des mobilités, ce qui semblait pourtant se jouer au Mondial de l‘Auto. C’est pourquoi nous appelons à la construction d’un système de mobilités complet alternatif à la voiture, par et pour les citoyennes et citoyens, afin de répondre aux alertes scientifiques et suivre l’intérêt général. Nous pensons que la première étape consiste en un contrôle démocratique de la production automobile.

Pour cela :

  • Nous exigeons l’interdiction de la publicité pour la voiture individuelle, car elle dissimule ses dommages et verrouille nos imaginaires en matière de mobilité.
  • À l’échelle nationale, la mise place d’une instance citoyenne ayant la compétence de déterminer une réglementation contraignant la conception des véhicules autorisés à circuler (poids, vitesse maximale, émissions).
  • Ce processus doit aller de pair avec une sécurisation économique des travailleurs du secteur de l’automobile, afin de permettre à ceux qui seraient affectés par ces mesures de se former, se reconvertir dans d’autres secteurs d’emploi, ou transformer leur outil de production.

Ce n’est qu’à ces conditions que nous pourrons collectivement construire un système de mobilité soutenable et souhaitable.

Signataires :

  • Justine Lemerle et Joseph D’halluin, collectif Autos-Stop ;
  • Christophe Gay et Sylvie Landriève, directeurs du Forum Vies Mobiles ;
  • Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre ;
  • Charlotte Ribaute et Tanguy Delaire, co-présidente et co-président de Résistance à l’Agression Publicitaire ;
  • Arthur Petit et Aurore Péguin, membres de la collégiale de L’heureux Cyclage, le réseau des ateliers vélo participatifs et solidaires.

Notes

1 Expression employée par Bruno Le Maire, lors des journées de la filière automobile le 2 décembre 2019.

Source :  tribune collective parue dans Le Monde et reprise sur les sites des signataires dont Forum Vies mobiles